On continue sur notre série sur la gestion de classe. Dans les articles précédents, on a vu comment mettre en place un maximum de choses pour essayer d’éviter les comportements perturbateurs. Mais malheureusement, on ne pourra jamais tous les éviter… un jour, dans une classe, on va fatalement se retrouver face à un ou plusieurs élèves qui vont nous challenger et perturber le cours d’une façon ou d’une autre.
Ce que j’appelle un élève perturbateur, c’est un élève qu’on peut considérer comme un leader négatif dans une classe. Si le problème est plus global, qu’il concerne l’entièreté de la classe, alors il s’agit plutôt d’un problème systémique, qu’il faudra traiter autrement. La première étape, c’est donc de voir dans quel cas tu te situes : est-ce que tu es face à un problème général dans ta classe, ou est-ce que le problème vient spécifiquement d’un ou deux élèves ?
Pour faire la distinction entre les deux, il faut voir si le fait d’enlever un ou deux élèves permet de résoudre le problème ; si c’est le cas, alors ces élèves sont des leaders négatifs. S’ils sont absents du groupe, la gestion de classe se passe correctement. Par contre, si cela ne change pas l’ambiance de classe, que le bruit reste présent et que le manque de discipline et de mise au travail sont toujours là, alors il s’agit plutôt d’un problème systémique.
Gérer un problème systémique
Dans le cas d’un problème systémique, je te renvoie à ce que j’ai expliqué dans les épisodes précédents : comment installer une posture d’enseignante et comment mettre en place des routines qui vont permettre d’améliorer ta gestion de classe. En plus de tout cela, tu devrais toujours te dire que les élèves ne savent peut-être pas ce qui est attendu d’eux. Prends donc le temps de redéfinir avec eux les comportements que tu attends de leur part, de manière extrêmement explicite. Chaque comportement doit être enseigné comme n’importe quelle autre compétence.
Par exemple, je sais que je ne supporte pas une classe qui parle fort, même dans les moments où les élèves peuvent communiquer entre eux, pour s’entraider, par exemple. Je leur demande donc de chuchoter. Mais ça ne fonctionne jamais… Eh bien, ce que je fais désormais, c’est que, plutôt que de simplement dire aux élèves de chuchoter, je leur explique comment faire pour savoir qu’ils chuchotent. C’est tout bête, mais je ne savais pas moi-même comment faire ! Pour savoir si on chuchote, il suffit de placer sa main sur notre gorge, sur nos cordes vocales ; si elles vibrent, c’est qu’on parle. Quand on chuchote, elles ne vibrent pas. Ça permet de donner un critère très concret aux élèves pour savoir s’ils respectent la consigne du chuchotement.
Si les soucis sont systémiques dans la gestion de classe, il faut installer des conséquences systémiques également. Par exemple, si tu demandes le silence pour donner une explication, recommence ton explication de zéro dès que quelqu’un se met à parler. Au début, tu risques de recommencer ton explication 20 fois s’il le faut. C’est super frustrant, et il faut, de notre côté, arriver à rester totalement calme et à ne pas s’énerver. Mais en étant systématique, ça fonctionne ! Les élèves finissent par comprendre que chaque moment compte et que leurs actions ont des conséquences sur le groupe. Le but ici est d’installer une rigueur qui est acceptée par tout le groupe, sans cris ni disputes.
Gérer les leaders négatifs
Si ton problème est plutôt centré sur un ou deux élèves qui sont des leaders négatifs, il ne faut pas le traiter de la même façon. Les leaders négatifs, ce sont ces élèves qui perturbent le cours, non seulement par leur comportement, mais aussi en influençant les autres à les suivre, souvent en faisant rire la classe.
Tu as peut-être déjà identifié ce type de comportement dans ta classe. Et tu te demandes comment agir sans pour autant briser l’équilibre du groupe. La gestion des leaders négatifs, c’est une question de finesse, de patience, et surtout d’un cadre clair.
Mais avant toute chose, il est essentiel de comprendre que ces élèves n’agissent pas contre toi. Il ne faut pas prendre leur comportement personnellement… même si ce n’est pas toujours facile à faire ! Ces élèves n’ont rien contre toi, en tant que personne. Ils réagissent souvent à des frustrations qui les dépassent, et qui n’ont rien à voir avec ton enseignement ou avec ton cours. Ce qu’il faut, c’est leur apprendre un nouveau comportement, une nouvelle manière d’interagir en classe. Et oui, c’est aussi notre rôle de leur enseigner ces compétences sociales, même si on ne nous a jamais appris comment faire ça.
L’une des clés pour maintenir un bon climat de classe, c’est de ne jamais tolérer un comportement qui empêche les autres d’apprendre. Une fois que tu repères un élève qui endosse ce rôle de “leader négatif”, il est important d’agir rapidement. Et la première étape, c’est le dialogue. Mais comment faire concrètement pour le gérer sans aggraver la situation ?
D’abord, il peut être utile de “neutraliser” temporairement l’élève perturbateur, par exemple en l’éloignant du reste du groupe ou en réduisant son impact. Ça peut aller de simplement l’installer au fond avec une activité alternative, jusqu’à une exclusion officielle de la classe, le temps que la dynamique du groupe se remette sur les rails, sans sa présence. Fais bien la distinction : tu ne juges pas l’élève lui-même, mais son comportement. Le but, à terme, c’est de réintégrer ces élèves dans une dynamique d’apprentissage positive.
Maintenant, voilà une méthodologie en sept étapes que tu peux suivre pour gérer un leader négatif de manière efficace :
1. Entretien individuel avec l’élève
Organise un entretien en tête-à-tête avec l’élève, sans adopter un ton réprobateur. L’objectif est de comprendre ce qui le bloque et les raisons qui motivent son comportement. Rappelle-toi qu’il s’attend souvent à se faire gronder, ce qui peut le rendre réticent à s’ouvrir. Adopte une attitude curieuse et privilégie des questions ouvertes, telles que :
L’idée n’est pas de lui imposer une solution, mais de co-construire avec lui une stratégie adaptée. Selon ses besoins, tu peux lui proposer de petites adaptations, comme lui permettre de se lever, d’utiliser un objet anti-stress (fidget) ou de prendre quelques minutes pour se recentrer.
2. Établir un contrat moral
Une fois une solution trouvée ensemble, formalisez-la sous la forme d’un contrat oral. Ce contrat doit inclure clairement le comportement attendu ainsi que les conséquences en cas de non-respect. Cela donne à l’élève un cadre structuré et le responsabilise.
3. Faire appliquer le contrat en classe
La véritable difficulté réside dans la mise en œuvre du contrat en classe. Il faut garder à l’esprit qu’une discussion et un accord ne suffisent pas à garantir un changement immédiat. L’élève doit apprendre les comportements attendus, ce qui demande du temps. Fournis-lui des retours clairs et applique des conséquences rapides en cas de débordement.
Pour qu’il assimile ce nouveau comportement, limite les avertissements et veille à ne tolérer aucun écart.
4. Premier incident : rappeler le comportement attendu
Si l’élève adopte à nouveau un comportement inapproprié, demande-lui de se rappeler lui-même quel est le comportement attendu. Cela le recentre rapidement sans provoquer de confrontation. S’il ne s’en souvient pas, rappelle-lui calmement, sans humiliation ni colère.
5. Deuxième incident : avertissement visuel
En cas de récidive, passe à l’avertissement visuel. Cela peut être un post-it rouge sur sa table ou une demande de sortir son carnet de correspondance. Ce geste envoie un signal clair : c’est sa dernière chance.
6. Troisième incident : exclusion de l’apprentissage
Si l’élève persiste malgré tout, procède à une exclusion temporaire de l’apprentissage. Cela signifie, par exemple, lui retirer ses affaires (interdiction d’écrire) ou l’isoler avec une activité alternative définie lors de votre entretien (coloriage, lecture, manga, etc.).
7. Si la perturbation continue : exclusion de la salle
Si, après l’exclusion de l’apprentissage, l’élève continue à perturber le cours, envisage une exclusion temporaire de la classe.
En conclusion
Ce système fonctionne pour la majorité des leaders négatifs. Cependant, un petit pourcentage d’élèves nécessitera des ajustements supplémentaires. Dans ces cas-là, il peut être utile de prendre davantage de temps avec les parents ou de solliciter l’intervention de l’administration.
L’essentiel est de maintenir un cadre clair, permettant à chaque élève d’apprendre dans de bonnes conditions, tout en offrant à celui qui perturbe l’opportunité de changer son comportement sans se sentir dévalorisé. Le but ultime est de l’accompagner vers l’acquisition de nouveaux comportements, qui lui permettront non seulement de progresser, mais aussi de faciliter ton travail au quotidien.
Alors, tout ça paraît facile sur le papier. Mais une fois en classe, c’est une autre histoire. Il n’est pas toujours évident de se rappeler de toutes les étapes, de garder son calme et de réussir à les appliquer concrètement. La difficulté est encore plus grande lorsque l’on fait face à une classe où règne un dysfonctionnement systémique avec plusieurs leaders négatifs.
On a souvent tendance à vouloir se concentrer uniquement sur les apprentissages liés à notre matière, en évitant de « perdre du temps » avec la gestion des comportements. Pourtant, c’est en prenant le temps d’améliorer cette gestion qu’on finit par en gagner. En effet, une classe apaisée et bien encadrée permet, à terme, de consacrer davantage de temps aux apprentissages disciplinaires. Parfois, il faut savoir perdre un peu de temps pour en gagner beaucoup par la suite.
Sources
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