Demander l'avis des élèves sur son cours

Aujourd’hui, c’est la fin de l’année scolaire. Et depuis deux ans, j’ai ajouté une pratique lors du tout dernier cours que j’ai avec mes élèves. C’est de cette pratique que j’ai envie de te parler dans cet épisode.

En fin d’année, j’ai toujours du mal à rester ancré dans l’année scolaire qui se termine. Je suis déjà à me projeter dans l’année suivante, à réfléchir aux différents moyens possibles pour améliorer mes cours, et un bon moyen pour trouver de nouvelles idées, c’est tout simplement de demander leur avis aux premiers concernés : mes élèves.

Alors je sais, on a parfois peur de ce que les élèves pourraient nous dire… ou, au contraire, on se dit que ce sont des ados et qu’ils ne savent pas forcément ce qui est bon pour eux. Mais je t’assure : si c’est bien cadré, ça peut être super riche.

Et cette année encore, j’ai demandé à mes élèves de 5e et 6e secondaire (donc première et terminale en équivalent français) de me faire un retour sur les cours de chimie qu’ils ont suivis avec moi. Mais pas un retour du type “j’ai aimé ou pas aimé le cours”. Je leur demande vraiment ce qui, selon eux, les a aidés à apprendre. Ce qui a eu un vrai impact sur leur compréhension, ce qui leur a permis de mieux assimiler la matière.

Je prends le temps de leur expliquer pourquoi je fais ça. Je leur dis que ça m’aide à savoir ce que je dois garder l’année suivante, ce que je peux améliorer ou supprimer. Je leur demande de me donner un retour honnête, mais bienveillant. Et je prends le temps, surtout. Je ne fais pas ça à la va-vite en fin de cours. Non, je le fais au début, dans un moment calme, où ils peuvent réfléchir posément, à l’écrit et individuellement.

En pratique, je leur liste toute une série de pratiques, d’activités ou encore de ressources que j’utilise durant l’année, et je leur demande de dire, pour chacune d’entre elles, à quel point elles les ont aidés à comprendre la matière vue (de pas du tout à énormément). Ensuite, j’ajoute des questions à réponses ouvertes, où ils peuvent s’exprimer sur différentes choses. Je leur demande s’ils ont des idées d’activités à ajouter au cours, qui pourraient leur permettre de mieux comprendre la matière. Je leur demande les activités qu’ils ont préférées (parce que c’est quand même bien de le savoir, histoire de ne pas les enlever). Je leur demande d’estimer leur temps de travail à domicile et s’ils ont eu besoin de cours particuliers cette année, dans le but de voir pourquoi ils en ont eu besoin et ce que je pourrais faire pour l’éviter le plus possible. Je leur demande aussi de comparer la difficulté du cours de chimie avec d’autres cours similaires, pour arriver à me situer et à voir si le niveau que j’attends d’eux est beaucoup trop haut ou beaucoup trop bas. Enfin, ils peuvent me faire un retour totalement libre pour terminer.

Le retour des élèves

Ensuite, je récupère tous leurs retours, et j’analyse leurs réponses. J’essaie de faire ressortir les pratiques à garder, car elles leur servent le plus, et les pratiques qui semblent moins utiles (mais qui ne vont pas forcément être éliminées non plus). Je découvre s’ils ont des suggestions d’améliorations possibles, et je garde tout ça en tête pour de futurs remaniements du cours.

Les retours de cette année sont globalement les suivants :

Cette année, ils ont été nombreux à souligner que ce qui les aidait le plus, c’était de leur fournir des résolutions complètes d’exercices. J’adore ce résultat, car c’est en écoutant les propositions de l’année précédente que j’ai compris à quel point ça pouvait les aider, et que je me suis lancée dans la rédaction d’un maximum de résolutions détaillées !

Les autres pratiques qui les aident le plus sont les vidéos disponibles sur ma chaîne YouTube, qui reprennent tout le cours (ou presque) au niveau théorique, ainsi que certaines résolutions d’exercices. Ensuite, on retrouve le fait de faire des exercices au tableau devant toute la classe, les explications individuelles que je leur donne quand ils posent des questions, les explications orales que je donne au groupe classe, les séances d’exercices en classe et les documents de théorie que je leur distribue.

À l’autre extrémité, on retrouve les pratiques qui aident moins d’élèves à apprendre et comprendre. Mais il y a quand même toujours quelques élèves qui cochent “énormément” pour toutes ces pratiques, donc je n’ai pas de vraie raison d’en supprimer totalement l’une ou l’autre ; elles touchent simplement moins de monde. On y retrouve le fait de laisser des fiches d’exercices supplémentaires à disposition en classe, les exercices à réaliser à domicile, les explications données en classe par un autre élève, les séances de laboratoire (même s’ils trouvent tous que ce sont de très chouettes moments) et la théorie disponible sur un site en ligne.

Alors attention, hein : je ne prends pas tout au pied de la lettre. Par exemple, les labos restent essentiels pour faire des sciences autrement, et je ne vais pas les supprimer juste parce qu’ils n’aident pas “directement” à mieux réussir une interro. Mais ça me permet de réfléchir à ce que je veux que les élèves y vivent, et peut-être de mieux les accompagner pour en tirer du sens.

Au niveau des activités à faire en plus, c’est assez variable d’un élève à l’autre, mais ce que je retiens et qui manque effectivement, c’est de fournir des rappels de ce qui a été vu les années précédentes. Certains élèves arrivent dans ma classe en ayant de grosses lacunes, en venant d’autres écoles où la matière n’a pas été vue dans le même ordre que chez nous ; ils n’ont donc pas les bases nécessaires pour suivre sereinement le cours, et c’est à moi de faire le nécessaire pour leur fournir le matériel qui leur permette de se remettre à jour.

Autre chose qui revient souvent, c’est de faire encore plus d’exercices en classe : plus d’exercices au tableau, plus de moments consacrés aux exercices, plus de résolutions détaillées… Le souci, c’est que consacrer plus de temps à quelque chose, ça veut dire enlever du temps ailleurs. Et de ce côté, aucun élève ne dit qu’il y a des choses à enlever !

Ensuite, j’ai quelques propositions beaucoup plus ciblées qui ne sont probablement pas intéressantes à partager ici ; ça concerne un chapitre ou une activité spécifique, et parfois ça donne de chouettes idées qu’on n’a pas forcément de notre côté !

Ensuite, j’ai découvert le temps de travail de mes élèves (ou en tout cas, le temps qu’ils estiment travailler). Ce temps est très variable : de “0 minute”, affiché fièrement par un ou deux élèves, à 3 ou 4 heures par semaine pour certains. Cette variation énorme est très difficile à interpréter en termes d’adaptation de mon cours. Par contre, je peux plus facilement conseiller certains élèves pour s’améliorer ; ceux qui disent ne travailler que 15 minutes par semaine alors qu’ils sont en échec doivent clairement travailler beaucoup plus pour y arriver. Mais si je vois qu’un élève en échec travaille déjà plusieurs heures par semaine, alors c’est un changement de méthode de travail qui devrait plutôt lui être proposé.

Ce qu’en dit la recherche

Et tu sais quoi ? Ce que je fais là, ça a été étudié. Des recherches ont montré que, quand les enseignants sollicitent le feedback de leurs élèves et qu’ils le prennent vraiment en compte, ça améliore concrètement leur pratique. Une méta-analyse a même montré que l’effet peut être mesuré. Mais pour que ce soit efficace, il faut le faire dans de bonnes conditions. Il faut accompagner les élèves dans leur réflexion, leur expliquer pourquoi on fait ça, et surtout, ne pas le faire juste pour la forme. Il faut que ça serve à quelque chose, qu’on prenne les idées en compte et qu’on revienne vers les élèves avec une analyse de leur feedback. On leur dit ce qu’on peut prendre en compte et ce qui n’est pas possible, et pourquoi ce n’est pas possible.

Et puis, ce genre de démarche, ça ne fonctionne pas toujours parfaitement avec toutes les classes. Je l’ai aussi tentée avec mes élèves de 4e cette année (ou seconde pour les Français), et j’ai été plus mitigée face à leurs réponses. Leurs réponses manquaient de profondeur et de recul pour certains d’entre eux. Et c’est normal. Ils n’ont pas encore tous la maturité nécessaire pour faire ce genre de retour. Ou alors, ils ne voient pas le sens de cette démarche. Ça me montre aussi que cette pratique ne peut pas être simplement calquée d’un niveau à l’autre. Elle demande de s’adapter, de sentir ce que le groupe est prêt à faire.

L’autre différence avec mon groupe de 4e, c’est que ce sont des élèves de niveaux très hétérogènes ; c’est un cours de tronc commun, donc obligatoire pour tous. Certains adorent les sciences, d’autres n’aiment vraiment pas. Et cet écart se ressent dans leur feedback : les élèves qui sont en échec critiquent beaucoup plus le système d’évaluation, voudraient que les choses soient plus simples et demandent moins de travail, alors que les élèves qui sont en réussite, et qui ont bien compris comment réussir en fournissant le travail nécessaire, reconnaissent mieux l’intérêt des différentes pratiques du cours.

Conclusion

Mais ce que je retiens surtout, c’est que c’est un super moyen de boucler la boucle. De montrer aux élèves que leur avis compte. Que je ne suis pas une machine qui fait cours, mais que j’ai envie de progresser, moi aussi.

Alors si t’as envie de tenter ça l’année prochaine, tu peux tout à fait t’inspirer de ce que j’ai mis en place.

Parce qu’au fond, c’est ça, enseigner. C’est pas faire un show solo devant une salle. C’est construire une relation d’apprentissage. Et une relation, ça va dans les deux sens.

PARTAGER

Rejoins-nous !

Abonne-toi à notre newsletter et reçois directement conseils et ressources dans ta boite mail !

Un mail te confirmation te sera envoyé : n'oublie pas de valider ton adresse mail et de ne pas laisser les mails arriver dans tes spams!