La meilleure des pédagogies

Une pédagogie supérieure aux autres ?

Si l’on en croit une grande méta-analyse réalisée par John Hattie, que je t’ai présentée en détail dans l’épisode 33 sur les facteurs qui influencent l’apprentissage, la meilleure méthode serait la technique du puzzle ou jigsaw (en tout cas, au moment où j’avais rédigé cet épisode-là).


C’est une approche coopérative de l'apprentissage où un enseignant présente un sujet principal, divisé en plusieurs sous-thèmes. Les élèves sont répartis en groupes d'appartenance, et chaque membre du groupe d'origine se voit attribuer un sous-thème. Ensuite, ils forment des groupes d’experts pour approfondir leur sous-thème par le biais de recherches et de discussions. Une fois qu’ils ont maîtrisé leur partie, ils retournent dans leur groupe d'appartenance pour partager leurs découvertes. À la fin, chaque élève a appris tous les sous-thèmes, soit grâce aux autres, soit par sa propre exploration.


Il suffit donc de faire tous ses cours comme cela, et c’est gagné !

Mais… est-ce que c’est vraiment aussi simple que ça ?

Bien sûr que non.

Existe-t-il une pédagogie parfaite ?

Chaque personne qui a mis les pieds dans une classe sait bien qu’il n’existe pas de recette miracle pour que tout le monde apprenne parfaitement.


Chaque nouvelle étude vient nous montrer une nouvelle technique, une nouvelle idée, une nouvelle manière de faire qui est révolutionnaire et, évidemment, bien mieux que les autres. Chaque grand gourou est aussi là pour défendre sa propre pédagogie, qui est bien sûr supérieure aux autres. Chaque courant pédagogique avance ses propres arguments et met en avant les études qui vont dans son sens… en oubliant souvent celles qui diraient le contraire. L’enseignement explicite, les différents courants de la pédagogie active, l’enseignement magistral, l’apprentissage par le jeu… quelle est vraiment LA bonne façon de faire ?


Comment savoir, quand on se lance dans le métier, quelle méthode est réellement efficace pour nos élèves ?


Est-ce que ce qu’on nous a enseigné durant notre formation initiale (si on en a eu une) est vraiment la meilleure approche ?


Si nous avons bien réussi en tant qu’élèves, est-ce grâce à la pédagogie de nos professeurs ?

La guerre des pédagogies : réalité ou illusion ?

Chaque année, dans la presse, on trouve des articles de profs, de directeurs, de pédagogues, et chacun y va de sa chapelle : “la pédagogie active ne prépare pas les élèves aux études supérieures”, “quand on récupère des élèves qui viennent de telle pédagogie, ils ne s’en sortent pas chez nous”, “la pédagogie traditionnelle ne prépare pas les élèves à devenir des citoyens pour notre monde futur”… Les gens se battent à coups de mots publiés dans une presse où tout le monde peut dire ce qu’il pense, mais rien ne fait réellement avancer le schmilblick.


J’ai grandi dans une école à pédagogie active, mais quand je me souviens de certains cours, surtout sur la fin des secondaires, j’y trouvais beaucoup de transmissif. J’ai été à l’université et n’ai eu aucun problème à réussir. Est-ce que c’est grâce aux pédagogies actives ? Je ne suis pas sûre. Je sais que j’ai été probablement mieux formée que la moyenne pour certaines choses, mais je sais aussi que j’étais plutôt dans la catégorie “bonne élève”, donc est-ce que je n’aurais pas tout aussi bien réussi en ayant suivi une autre pédagogie ?


Les étudiants qui étaient à l’université en même temps que moi ont aussi réussi, en venant de diverses écoles, qui utilisaient des pédagogies en tout genre. Ce que j’ai constaté, c’est que j’avais plus de facilité à aller vers les professeurs, à poser des questions, ou encore à réaliser des recherches. Apparemment, j’ai été plus habituée à ce genre de démarches que les autres. Ou bien, c’est peut-être parce que mes parents m’encourageaient à poser des questions depuis toujours et que, comme ma mère était prof, j’ai toujours eu l’habitude de côtoyer des profs, et donc d’aller plus facilement vers eux.


Par contre, une chose à laquelle j’étais moins préparée que les autres (enfin, c’est mon impression), c’est à faire des blocus. Logique, puisqu’on n’avait que très peu d’examens dans mon école. Mais je m’en suis quand même très bien sortie, puisque je n’ai jamais eu de deuxième session. Et beaucoup d’autres élèves s’en sont beaucoup moins bien sortis, alors qu’ils avaient des sessions d’examens tous les ans, depuis des années.

Quand la pédagogie devient un dogme

Aujourd’hui, j’enseigne dans une école à pédagogie active. C’était logique pour moi, puisque c’était le modèle dans lequel j’avais grandi. J’ai donc naturellement reproduit ce que j’avais connu en tant qu’élève.


Et puis j’ai un peu déchanté, car autour de moi, j’entendais parler de plein d’autres méthodes qui se disaient, elles, vraiment “actives”. Certains fervents défenseurs de Freinet ne jurent que par ces idées-là. Ou encore, si on ne fait pas de projets, alors ce n’est pas de la pédagogie active. J’ai bien vite découvert que certains mots étaient “tabous” et devaient être bannis de mon vocabulaire si je voulais être une prof qui “fait de la pédagogie active”.


Ne parle pas de "syllabus".

Ne mentionne pas les manuels.

Ne prononce jamais le mot "drill".


Pourtant, dans d’autres écoles, ces outils sont couramment utilisés… et ça fonctionne ! Parfois même mieux ! Et la recherche montre que ces méthodes peuvent être efficaces.


Ah mais non, parce que la recherche, elle dit aussi que les pédagogies actives, ça fonctionne. Il doit y avoir certaines recherches qui se trompent alors… Plusieurs types de pédagogies ne pourraient quand même pas fonctionner, alors qu’elles sont différentes ??

Ce que disent (vraiment) les études

Eh bien, pourquoi pas ? Et pourquoi ne regarderait-on pas ces recherches d’un peu plus près ? Est-ce que les différentes études mesurent la même chose ? Est-ce que ça s’applique aux mêmes matières ? Aux élèves du même âge ? Dans un même contexte ? Il y a tellement de variables dans les recherches en sciences humaines que ce n’est pas toujours facile de mettre en évidence LE truc qui fait qu’une méthode fonctionne.


Alors, ce qu’on fait, c’est qu’on regroupe plein d’études sur le même sujet et qu’on fait des stats : on regarde, en moyenne, quelles méthodes fonctionnent le mieux sur toutes ces recherches. C’est ça, faire une méta-analyse. Et l’étude de John Hattie que je citais au début de cet épisode, c’est ça. C’est une méta-analyse.


Ces méta-analyses ont donc des limites : on n’analyse plus une chose bien spécifique. On fait des moyennes. On peut évidemment en tirer des tendances intéressantes. Mais peut-être qu’en y regardant de plus près, on va voir que toutes les études réalisées sur la pédagogie Y ont été menées sur des élèves de l’école primaire, ou principalement dans des matières scientifiques, et on risque d’en tirer une généralité. Gardons donc notre esprit critique en lisant tout ça.

Vers une pédagogie adaptée et ouverte

Alors, quelle est la meilleure pédagogie ?


Probablement celle qui convient le mieux :


✔ À la matière enseignée

✔ Au niveau des élèves

✔ À leur contexte socio-culturel

✔ Et aussi… à l’enseignant lui-même !


Au lieu de chercher une réponse unique, ne faudrait-il pas accepter que différentes méthodes peuvent coexister, et que ce qui fonctionne pour l’un ne fonctionnera pas forcément pour l’autre?


Un enseignant de sciences n’aura peut-être pas les mêmes besoins pédagogiques qu’un enseignant de philosophie. Et même au sein d’une même matière, il y a des différences d’approche en fonction des niveaux ou des classes.


Plutôt que de se braquer sur une méthode, cultivons une approche critique et flexible. Testons, adaptons, expérimentons. Après tout, enseigner, c’est aussi apprendre.

Conclusion : et si on restait curieux ?

Finalement, il n’existe pas de pédagogie parfaite, seulement des approches adaptées à certains contextes.


Rester figé dans une seule méthode, c’est risquer de passer à côté d’améliorations possibles. Et si on osait tester d’autres façons de faire, sans renier ce qui fonctionne déjà ?


Car au fond, ce qui importe, ce n’est pas comment on enseigne, mais ce que nos élèves retiennent et intègrent vraiment.

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