Aujourd’hui, j’ai envie de te parler d’un sujet qui n’est pas directement lié à l’enseignement, mais qui touche quand même de nombreux profs, parce qu’en fait, on est tous des humains. Tu as probablement déjà entendu parler du syndrome de l’imposteur, mais as-tu déjà entendu parler du syndrome de l’objet brillant ?
Pour t’expliquer rapidement de quoi il s’agit, imagine que tu es une pie, cet oiseau attiré par tout ce qui brille. Tu te balades tranquillement, et dès que tu vois un objet qui brille, tu te jettes dessus et tu le prends dans ton bec. Tu continues ta route toute fière d’avoir trouvé cet objet, tu vas pouvoir le montrer à tout le monde !
Mais, un peu plus loin, tu découvres un autre objet brillant ! Ni une ni deux, tu te jettes dessus, oubliant au passage celui que tu avais déjà et dont tu étais si fière. Le nouveau ne peut qu’être mieux ! Tu continues donc ta route en abandonnant derrière toi ta première découverte.
Le syndrome de l’objet brillant, c’est ça, mais chez nous, humains. C’est cette tendance à courir après toutes les nouveautés qui captent notre attention. C’est se ruer vers cette nouvelle idée ou ce nouveau gadget à la mode, parce que tout le monde dit que c’est génial, ou simplement parce que c’est nouveau, sans jamais se concentrer sur ce qu’on a déjà. Cette dispersion constante est non seulement épuisante mais aussi inefficace.
Si tu te reconnais là-dedans, je te rassure : tu n’es pas la seule. Moi aussi, je me vois totalement courir derrière plein d’objets brillants… Et en fait, je trouve ça stimulant ! Découvrir des nouvelles choses, se former, apprendre continuellement, c’est une des choses que je préfère faire. Mais alors, est-ce que c’est ça, le syndrome de l’objet brillant ? Oui, si on n’arrive pas à faire la distinction entre ce qui est nouveau, et ce qui est réellement “mieux” que ce qu’on avait déjà. Apprendre de nouvelles méthodes qui ne vont pas nous aider, ou qui ne vont pas favoriser l’apprentissage de nos élèves, ce n’est pas quelque chose de pertinent à faire avec notre temps. Mais aller se former pour travailler de manière plus efficace, ça, c’est évidemment pertinent et à encourager.
En tant qu’êtres humains, on ressent souvent ce besoin de posséder le dernier gadget, de suivre la dernière formation, ou d’essayer une nouvelle méthode pédagogique, pour nous les profs. Cette quête incessante de nouveauté nous pousse à tester de multiples stratégies sans vraiment les approfondir ni en tirer des enseignements concrets. On finit par utiliser de nouveaux outils simplement parce qu’ils sont nouveaux, pas nécessairement parce qu’ils sont adaptés à nos besoins ou à ceux de nos élèves. Cette tendance peut s'expliquer en partie par la peur de manquer quelque chose de génial, un phénomène connu sous le nom de FOMO, ou Fear Of Missing Out.
Un des grands pièges de ce syndrome, c'est qu'il nous fait accumuler des idées de projets sans jamais les mener à terme. Chaque nouveau projet ou outil est perçu comme une opportunité géniale qu'on ne peut pas laisser passer, de peur de manquer quelque chose de révolutionnaire. Et souvent, cette attirance est exacerbée par notre environnement : voir d'autres personnes adopter ces nouveautés nous pousse à vouloir faire de même, pour ne pas se sentir à la traîne.
Cependant, cette course perpétuelle après la nouveauté a un coût. Elle nous empêche de nous ancrer dans des méthodes pédagogiques durables et efficaces. Changer constamment de pédagogie implique de devoir tout recommencer à chaque fois : reconstruire des ressources, réadapter nos pratiques, créer de nouvelles habitudes avec nos élèves ou encore se rendre compte de ce qui fonctionne ou pas, et ce n’est pas viable à long terme. Quoi qu’on fasse, aucun système pédagogique ne peut satisfaire 100% de nos élèves, car certains ne seront tout simplement pas réceptifs à certaines méthodes à un moment donné.
Le syndrome de l’objet brillant peut également s'apparenter à une forme de procrastination déguisée. En se concentrant sur la nouveauté, on évite les tâches plus difficiles ou moins glamour mais essentielles. À toujours vouloir découvrir la dernière méthode à la mode, on ne fait jamais le travail de fond de réellement construire notre approche pédagogique personnelle, en conservant année après année ce qui fonctionne, en améliorant nos séances pas encore abouties ou encore en éliminant ce qui ne fonctionne pas du tout. C'est une façon de repousser les défis réels et de rester dans une zone de confort relative, puisqu’on se lance constamment dans la création de nouvelles choses, de nouvelles ressources, de nouvelles séquences d’apprentissage, et qu’une première utilisation d’une ressource pédagogique est souvent peu aboutie. On a donc toujours comme excuse que c’est un premier essai, donc c’est normal que ça ne fonctionne pas exactement comme on le voudrait. En réalité, ce comportement peut être une manière inconsciente de se protéger de l'échec ou de l'ennui en se lançant constamment dans quelque chose de nouveau. On ne peut pas réellement échouer si on n’essaie pas vraiment d’aller au bout de notre idée !
On a souvent à cœur de faire les meilleurs cours pour nos élèves, et on se dit que si tout le monde ne réussit pas, c’est qu’on n’a pas encore trouvé LA méthode miracle. Alors, on va chercher une nouvelle méthode, encore et encore. Mais ce qu’on oublie, c’est qu’il n’y a pas de méthode miracle, qui fonctionne parfaitement pour tous les élèves. Une méthode qui fonctionne avec un autre prof ne va pas forcément fonctionner pour toi. Une méthode qui fonctionne avec un type d’élève ne fonctionnera pas forcément pour tes élèves. Une méthode qui fait des merveilles dans un contexte donné ne fonctionnera pas forcément dans ton contexte.
Nous sommes des êtres impatients. On voudrait trouver la meilleure façon de faire, là, maintenant, tout de suite, et pas dans dix ans. Ce qu’on oublie, c’est que pour qu’on puisse devenir un excellent prof pour les élèves qu’on aura dans dix ans, il faut qu’on prenne le temps maintenant. On ne se laisse pas la chance de réussir ce qu’on avait entamé dès le départ. On se dit : “Ça ne marche pas, je vais tenter autre chose.” Alors que peut-être que si on avait poussé ce truc-là encore deux mois, les résultats seraient arrivés. Parfois, il faut vraiment se laisser la chance d’aller au bout de ce qu’on a commencé pour obtenir les résultats.
Tu vas voir cet objet brillant, cette nouvelle idée, cette pédagogie nouvelle, et tu vas te dire : “Trop bien ! C’est sûrement LA solution miracle, le truc dont j’ai besoin !” Tu vas être à fond dans cette nouveauté. Tu vas mettre de l’énergie, du temps et de la motivation aussi pour quelque chose qui peut-être ne sera pas une bonne opportunité pour toi. Mais il y a de fortes chances qu’en fait, cette “solution miracle”, ce soit juste une autre méthode parmi tant d’autres. Elle fonctionnera peut-être, mais peut-être pas. Cela veut dire qu’à un moment donné, tu auras mis de l’énergie et du temps là où il ne fallait pas, ce qui est dommage quand on sait à quel point on manque de temps en général.
Quelles sont les conséquences de tout ça ?
- Une incapacité à terminer ce qu’on a commencé, ce qui revient à ne pas atteindre nos objectifs.
- Une perte de productivité et d’énergie, puisqu’on s’épuise et qu’on se disperse sur plein de choses différentes.
- Et comme on se lance dans plein de nouveautés tout le temps, on procrastine sur les projets importants, parce qu’on se laisse attirer par des distractions déguisées en opportunités.
Mais pourquoi sommes-nous autant attirés par la nouveauté, si ce n’est pas ce qui nous est le plus profitable ? Est-ce simplement l’effet de mode ? Est-ce qu’on est juste fascinés par ce qui est nouveau et différent ? En fait, ce qui nous attire le plus, ce sont souvent les formations, les nouveaux outils numériques, les jolies ressources pédagogiques bien visuelles, ou encore les jeux éducatifs. Tout ce qui semble pouvoir rendre notre travail plus facile, plus moderne, plus fun. Tout ce qui pourrait satisfaire nos élèves d’une façon ou d’une autre. On oublie que nos élèves, ils ne seront probablement jamais vraiment satisfait de ce qu’on leur propose… ceux qui n’ont pas envie d’être là, ils n’auront toujours pas envie d’être là avec une autre méthode d’enseignement. Et ceux qui performent déjà, ils le feront toujours si on change de méthode.
Donc, avant de se lancer tête baissée, on devrait se poser la question : est-ce que j’ai vraiment besoin de ce nouveau truc ? Est-ce que ça va vraiment répondre à un besoin spécifique de mes élèves, de ma classe, de mon contexte personnel ? Est-ce que cette méthode est vraiment meilleure que celle que j’utilise ? Ou est-ce juste une distraction de plus ?
En général, on se lance dans une nouveauté car tout le monde semble se lancer là-dedans. C’est notre envie d’appartenir à un groupe, notre envie de reconnaissance sociale qui prends le dessus. Pour arriver à sortir de ce cycle, il faut arriver à sortir de la comparaison avec les autres. C’est essentiel, mais c’est loin d’être simple, surtout dans une société où on voit défiler de plus en plus ce que font les autres, entre autre sur les réseaux sociaux. On voit toutes les choses extraordinaires que des collègues des quatre coins du monde mettent en place dans leurs classe, et qui ont l’air géniales ! Sur les réseaux, tout semble toujours fonctionner merveilleusement bien, puisqu’on ne partage en général que le positif. Mais ce n’est pas parce que quelqu’un partage une jolie photo ou une vidéo enjouée que ce qu’il ou elle propose est une bonne solution pour toi. Peut-être même que ce n’est pas une bonne solution pour la personne en question, en fait… Et de toute façon, ce n’est pas parce que ça marche pour les autres que ça marchera forcément pour soi. Nous ne sommes pas toutes dans le même contexte, nous n’avons pas toutes la même personnalité, la même façon de faire, les mêmes élèves…
Mais du coup, comment faire pour éviter le syndrome de l’objet brillant ?
Pour contrer cette tendance, il est crucial de se recentrer sur nos objectifs principaux et de rationaliser nos choix. Ce qu’on conseille souvent d’un point de vue de ses objectifs personnels, et c’est d’ailleurs ce que je fais moi-même, c’est de se fixer 3 objectifs principaux par année. Des objectifs qui peuvent être liés au travail, mais aussi à d’autres sphères de notre vie. Par exemple, tu pourrais avoir un objectif d’amélioration dans ton métier de prof qui pourrait être de réaliser des évaluations plus régulières (ou n’importe quoi d’autre, je prends juste un exemple au hasard). Connaissant ton objectif pour cette année, à chaque fois que tu es face à une nouveauté attirante, pose-toi la question suivante : est-ce que cette nouveauté me permettra de me rapprocher de mon objectif ? Si la réponse est non, alors passe ton tour ! Si la réponse est oui, alors c’est que c’est une nouveauté pertinente pour toi, cette année. Avoir un objectif concret te permettra de plus facilement faire le tri entre les nouveautés pertinentes pour toi, et les nouveautés qui ne sont que des objets brillants, des distractions. Et comme tes objectifs, il n’y a que toi qui peut les définir, de la même façon, il n’y a que toi qui peut savoir si une nouveauté sera pertinente pour toi, à un moment t.
Et donc, même si je te présente un truc magnifique et qui fonctionne très bien pour moi et mes élèves, en fonction de ton contexte, peut-être que ça ne sera pas une bonne idée pour toi, là maintenant. Mais peut-être que l’année prochaine, quand tu te seras fixé un autre objectif, ça deviendra intéressant.
Je t’encourage donc à prendre le temps de la réflexion, la prochaine fois qu’un super outil ou qu’une opportunité géniale s’offre à toi ; est-ce que, sur le long terme, cela t’apporte quelque chose d’essentiel et que tu vas pouvoir conserver, ou bien n’est-ce qu’une distraction, un objet brillant qui te fera passer à côté de pratiques éprouvées et essentielles, sans te rapprocher de ton objectif ?
Progresser et s’améliorer, c’est important. Mais il ne faut pas le faire au risque de s’épuiser. En prenant conscience de notre tendance à courir après chaque objet brillant, on peut mieux gérer notre énergie et nos ressources pour créer un environnement d’apprentissage plus stable et efficace pour tout le monde.
N’oublions pas que parfois, la meilleure chose que l’on puisse faire pour nos élèves, c’est de s’en tenir à ce qui fonctionne déjà et de construire sur ces bases solides. Prenons le temps de faire le point, de nous poser les bonnes questions, et de ne pas nous laisser happer par la nouveauté sans réfléchir. Parce qu’au final, c’est la constance et la réflexion qui nous permettront d’avancer sereinement dans notre métier. Pas le fait de toujours vouloir se renouveler et suivre la dernière méthode à la mode.
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