L’histoire secrète des bébés dragons
Cet été, lors de mes vacances en Slovénie, j'ai fait une découverte assez exceptionnelle. Nous avons eu l'occasion de visiter la grotte de Postojna, une immense grotte, où j'ai fait la rencontre du plus grand animal cavernicole. Les habitants locaux le surnomment le "bébé dragon", mais il est aussi connu sous le nom de "protée anguillard", "olm" ou "salamandre des grottes". Cette créature est même surnommée le "poisson humain" à cause de sa peau qui ressemble étrangement à celle des humains. Cette curieuse créature est un symbole important en Slovénie, et elle a même inspiré la création de personnages dans la série Pokémon, comme Minidraco et ses évolutions.
Les habitants de la région karstique, où se trouvent les grottes, ont toujours été familiers avec les phénomènes souterrains comme les grottes, les rivières, les lacs et les sources temporaires qui apparaissent après de fortes pluies ou des inondations. Cependant, lorsqu'ils ont découvert des "poissons" étranges à la peau pâle, au corps allongé, à la queue longue et munis de quatre pattes, ils ont pensé qu'il s'agissait de bébés dragons, en lien avec la légende locale d'un dragon habitant la grotte de Postojna.
Ces histoires intrigantes ont captivé non seulement les habitants locaux, mais aussi les scientifiques. Au 18e siècle, les biologistes se sont même lancés dans une compétition pour être les premiers à présenter cette nouvelle espèce animale unique de la grotte de Postojna. C'est finalement Giovanni Antonio Scopoli qui a réussi à obtenir des spécimens vivants de ces étranges créatures. En 1768, les "bébés dragons" ont reçu une description scientifique et ont été nommés "Proteus anguinus".
Bien que ces créatures ne soient pas réellement les petits dragons imaginaires, elles possèdent des caractéristiques fascinantes qui suscitent l'intérêt des scientifiques. Les protées peuvent vivre plus d'un siècle, survivre sans manger pendant plusieurs années, et ils ont la capacité étonnante de régénérer leurs membres et de rester jeunes tout au long de leur vie.
En ce qui concerne l'anatomie et les organes sensoriels du protée, cette petite créature rose ressemble à première vue à un serpent d'une vingtaine à une trentaine de centimètres. Cependant, en s'approchant, on remarque ses petites pattes comportant trois doigts à l'avant et deux à l'arrière. Sa couleur particulière provient d'un pigment appelé la riboflavine présent dans sa peau, qui est si fine qu'on peut apercevoir certains de ses organes à travers. Le protée vit dans des grottes où il n'y a aucune lumière, ce qui explique sa peau pâle. Il peut cependant produire de la mélanine en cas d'exposition à la lumière, ce qui le fait devenir progressivement noir.
Sa tête est également étrange, avec des narines quasi invisibles et des yeux totalement atrophiés. Il n'a pas besoin de ces organes dans son environnement obscur. Les seules caractéristiques visibles sont ce qui semblent être des oreilles, mais qui sont en réalité des branchies externes lui permettant de respirer. C'est la seule partie de son corps colorée, car elles sont riches en sang oxygéné. Elles sont donc rouges.
Les yeux du protée sont considérés comme une structure vestigiale, c'est-à-dire qu'elle a perdu sa fonction d'origine. Le protée est d'ailleurs un exemple cité par Charles Darwin pour illustrer la perte de facultés due aux changements de conditions de vie. Les larves de protées anguillards ont des yeux normaux au début, mais leur développement s'arrête rapidement et leurs yeux régressent même. Adapté à un environnement totalement obscur, le protée est maintenant aveugle et se fie principalement au toucher et à l'odorat.
Cependant, le protée reste sensible à la lumière, mais pas seulement au niveau des yeux - sa peau entière est photosensible. Cela est possible grâce à un pigment appelé la mélanopsine, présent dans des cellules spécialisées appelées mélanophores.
Les "poissons humains" peuvent détecter de faibles concentrations de composés organiques dans l'eau grâce à leur odorat développé et à des récepteurs chimiques près de leurs branchies. Ils peuvent également percevoir les ondes sonores transmises dans l'eau à travers leur oreille interne. Des expériences suggèrent même qu'ils pourraient détecter de faibles champs électriques et utiliser le champ magnétique terrestre pour s'orienter.
En ce qui concerne leur alimentation et leur reproduction, les protées sont aquatiques et se déplacent comme des anguilles. Ils sont les prédateurs dominants des profondeurs souterraines et se nourrissent de petits crabes et d'insectes trouvés dans les grottes. Cependant, étant donné le manque de nourriture dans ce milieu, ils peuvent survivre sans manger pendant de longues périodes, allant jusqu'à 10 ans en cas de disette. Les femelles peuvent commencer à se reproduire vers l'âge de 15 ans, pondant des œufs environ tous les 7 ans. Ces œufs transparents se fixent aux pierres et permettent d'observer le développement des larves à l'intérieur. Bien que les larves naissent avec des yeux, ceux-ci se couvrent progressivement d'une fine peau avant d'atteindre l'âge adulte, qui survient après 4 ou 5 ans. Contrairement à d'autres amphibiens, les protées ne subissent pas de métamorphose entre leur stade larvaire et leur stade adulte.
Passons maintenant à un superpouvoir des protées : leur capacité de régénération. Un exemple concret de cette faculté a été observé dans le laboratoire de la grotte de Postojna. À la suite d'une bagarre entre deux jeunes protées, l'un d'eux a été blessé à la patte. Les scientifiques ont suivi l'évolution de cette blessure au fil du temps. La patte blessée s'est détachée, et une nouvelle patte a repoussé entièrement en un an et demi. Ce processus a été documenté et photographié, et une courte vidéo montre cette évolution incroyable. Cette régénération semble être due à la capacité du protée d'activer facilement des cellules souches pour régénérer un membre. Les chercheurs s'intéressent grandement à cette capacité en vue de ses applications potentielles en médecine humaine.
L'une des caractéristiques les plus étonnantes du protée est peut-être liée à ses télomères. Les télomères sont des segments non codants de l'ADN situés à l'extrémité des chromosomes. Ils sont importants lors de la réplication de l'ADN pour éviter la perte d'information génétique. Normalement, chez la plupart des animaux, la longueur des télomères diminue progressivement avec l'âge. Le raccourcissement des télomères est associé au vieillissement et à certaines maladies liées à l'âge.
Cependant, chez les protées, quelque chose d'étrange se produit : la longueur des télomères ne diminue pas avec l'âge, mais au contraire, elle augmente. Cette particularité va à l'encontre de ce qui est observé chez la plupart des autres animaux. Normalement, des télomères plus longs pourraient augmenter le risque de développement de cellules immortelles et donc de cellules cancéreuses. Cependant, chez les protées, cela ne semble pas se produire. Cela suggère que les protées pourraient posséder un mécanisme unique pour contrôler la croissance de leurs télomères et éviter les problèmes de cancer. Cependant, les mécanismes derrière ce phénomène restent encore à élucider et à explorer davantage par la recherche scientifique.
Voilà, maintenant tu en sais un peu plus sur ce curieux et fascinant animal, le protée anguillard.
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Protée_anguillard
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