L'origine des comportements

Pour commencer cette nouvelle année en beauté, j’ai eu envie de créer une petite série d’articles sur un thème commun. J’ai choisi un thème transversal, qui parlera, je l’espère, à tous les enseignants, et que tu peux même partager avec des profs qui enseignent d’autres disciplines que la tienne, et à d’autres niveaux que le tien. Je veux parler de la gestion de classe.


Durant les semaines qui vont suivre, je vais aborder différentes parties de la gestion de classe, en me basant sur des formations et des lectures qui m’ont permis d’énormément évoluer sur le sujet.


Dans l’article d’aujourd’hui, on va se questionner sur l’origine des comportements de n’importe quel être humain, car c’est en comprenant pourquoi nos élèves se comportent d’une certaine façon qu’on pourra le mieux interagir avec eux et essayer de modifier leurs comportements. C’est également ça qui m’a permis de me détacher, et de moins prendre personnellement leurs réactions.


La semaine prochaine, on verra pourquoi certains élèves vont avoir un comportement perturbateur alors que d’autres vont plutôt ressembler à des élèves modèles. Ensuite, à travers les articles suivants, on va se demander ce qu’on peut mettre en place dans nos classes pour prévenir les comportements perturbateurs, car il est encore plus facile de les supprimer à la source plutôt que de devoir les gérer quand ils apparaissent. On va réfléchir aux routines que l’on peut mettre en place pour améliorer la gestion de classe. Ensuite, on verra comment gérer les élèves perturbateurs, car parfois la gestion d’une classe se passe globalement bien, à l’exception d’un ou deux élèves qui nous empêchent de donner cours correctement. Enfin, on verra comment on peut gérer certains problèmes spécifiques comme les élèves qui sont en retard. Tous ces axes seront abordés dans l’idée d’éviter les punitions, en se basant sur des recherches et sur l’expérience de nombreux enseignants qui ont mis en place les différentes pratiques proposées.



Si on veut comprendre pourquoi nos élèves se comportent comme ils se comportent, il faut explorer des théories qui cherchent à expliquer l’origine des comportements. Car pour modifier des comportements que l’on considère comme perturbateurs, il faut pouvoir agir sur la cause du comportement. Imagine qu’un comportement, c’est comme la fumée d’un feu qu’on ne peut pas voir. L’idée n’est pas de savoir comment arrêter la fumée, ce qui est absurde, mais bien de trouver comment éteindre le feu qui cause la fumée. C’est en éteignant le feu que la fumée va disparaître.


Pour comprendre d’où vient le comportement de n’importe quel être humain, ce qui inclut donc nos élèves, on va se plonger dans la théorie du choix de William Glasser. Il y a 10 axiomes à la théorie du choix. Le premier est : “la seule personne dont on peut contrôler le comportement est soi-même”. Dès le départ, on dit clairement qu’on ne peut pas contrôler le comportement de nos élèves. Ce n’est qu’à travers un changement de notre comportement qu’on va pouvoir espérer influencer celui des autres.


Selon la théorie du choix, tous les comportements de tous les êtres humains sont des choix, et ces choix ont pour but de combler un besoin. Un comportement est le meilleur moyen à un moment donné de combler un besoin, de la meilleure façon qu’on peut trouver, à ce moment-là, avec notre connaissance et nos compétences. Les élèves ont a priori moins de connaissances et compétences qu’un adulte, ils ont donc moins de possibilités pour combler leurs besoins. C’est à nous, enseignants, de leur enseigner comment ils peuvent combler leurs besoins d’une autre façon, si la façon qu’ils mettent en œuvre en classe est considérée comme un comportement perturbateur.


On a 5 besoins de base, qui sont innés et universels. Donc tous nos comportements visent à combler un de ces 5 besoins, à un moment donné.



Les 5 besoins de base :

  • Le pouvoir → peut être comblé par la compétition, la reconnaissance, le succès, l’apprentissage, l’estime de soi, la confiance en soi. Il y a 2 types de pouvoirs : le pouvoir interne, que l’on obtient par exemple par des promotions, des réussites scolaires ou professionnelles. Et si on n’arrive pas à obtenir de pouvoir interne, on va se tourner vers d’autres façons d’obtenir du pouvoir, et donc chercher à obtenir du pouvoir externe, que l’on peut obtenir par de la manipulation des autres, par la prise de contrôle des autres, par le harcèlement. Le pouvoir externe s’obtient donc de façon plus violente et il faudrait l’éviter, pour le bien-être des autres.
  • Le fun → ce besoin peut être comblé en jouant, par des activités qui nous font plaisir, qui nous font rire, où on s’amuse.
  • Le besoin d’aimer, d’être aimé et d’appartenir à un groupe → ce besoin va être comblé par la famille, les amis, les relations romantiques, les connexions sociales, le fait d’être dans une équipe ou dans un groupe, d’avoir de l’attention sur nous et qu’on fasse attention à nous, qu’on se sente important. C’est un des besoins cruciaux de notre vie, qui nous a permis de survivre en tant qu’espèce. Le besoin d’appartenir à un groupe et d’être reconnu dans un groupe est primordial, surtout à l’âge de nos élèves.
  • La liberté → ce besoin peut être comblé par le fait d’explorer, d’avoir de l’espace, de l’indépendance, de l’autonomie, de faire des choix ou plus globalement de “déployer ses ailes”, comme le dit l’expression. Dans une classe, les élèves peuvent voir leur liberté fortement réduite par les contraintes de l’établissement (les horaires, le fait d’être assis, d’écouter, de faire ce qu’on leur demande de faire, de se comporter d’une certaine façon…).
  • La survie, au sens premier du terme → il s’agit de se nourrir, d’être en bonne santé, d’avoir un abri, un chez-soi, de la sécurité financière.


Selon Glasser, il n’y a pas d’ordre, pas de priorité entre ces 5 besoins. Il faut constamment combler tous ces besoins.

Chaque personne doit combler ces 5 besoins, mais à des niveaux différents : certains vont être plus importants que d’autres. L’importance d’un besoin évolue au cours d’une vie, et on peut avoir des moments de vie où le besoin de liberté est le plus important, puis un autre moment de vie où ce sera le besoin d’appartenance, par exemple.


Pour bien comprendre, on peut imaginer que ce sont 5 verres, 5 récipients qu’il faut remplir, mais que les récipients sont différents pour chacun. Pour une personne, le récipient de liberté est très grand et doit être rempli avec beaucoup de choses, alors que le récipient du pouvoir est beaucoup plus petit et a donc besoin de moins de choses pour être rempli. Pour quelqu’un d’autre, ça peut être totalement l’inverse. Ces différences peuvent venir de l’enfance, de choses qui se sont produites dans le passé ou simplement de différences de personnalité.


Les différents récipients se vident naturellement, il faut donc constamment les re-remplir. Et la façon de remplir ces verres est différente pour chacun également.


Tous ces besoins sont à la base de tous nos comportements. Chaque comportement cherche à combler un de nos besoins.

Mais il n’y a pas un “set” de comportements définis pour combler le besoin de liberté de chacun, par exemple. Chaque personne va exprimer des comportements différents pour combler un même besoin. Cette différence vient de préférences personnelles et de la façon dont notre cerveau fonctionne. Et donc, encore une fois, il va falloir revenir au fonctionnement du cerveau pour comprendre comment il décide quel comportement exprimer dans une situation donnée.



Le développement du cerveau

Le cerveau humain se développe jusqu’au milieu de la vingtaine, ce qui veut dire que nos élèves n’ont pas un cerveau entièrement développé. Et plus on enseigne à des jeunes enfants, moins le développement est avancé.


Le développement du cerveau est basé sur le principe “use it or lose it” et se produit de l’arrière vers l’avant. Le cortex préfrontal (qui se charge de la prise de décision rationnelle) se trouve à l’avant du cerveau et est donc le dernier à se développer. Les enfants et ados n’ont donc pas un cortex préfrontal développé et doivent alors se reposer sur leur amygdale pour prendre des décisions. L’amygdale est la partie du cerveau qui est en charge des émotions et pulsions. Il est donc normal qu’ils se comportent moins logiquement que des adultes !


Quand l’amygdale décide de prendre le contrôle du cerveau, le cortex préfrontal n’a plus grand-chose à dire… que ce soit chez les jeunes, qui n’ont pas trop le choix, ou chez les adultes. Dès que des émotions fortes sont en jeu, la réflexion devient très compliquée. Et chez les élèves, il est beaucoup plus rapide et facile de passer en mode “réaction”, donc d’utiliser l’amygdale pour prendre des décisions, que de passer en mode “réflexion”, et d’utiliser son cortex préfrontal.


Ce processus de se fier d’abord à nos émotions (à notre amygdale) est naturel ; lorsque notre amygdale identifie une menace, elle envoie un signal pour libérer du cortisol (une hormone) dans notre corps, ce qui active automatiquement le mode “fight, flight or freeze” (combattre, fuir ou se figer). C’est une réaction normale chez tous les êtres humains et qui nous a permis de survivre quand on était encore des proies et qu’on pouvait se faire attaquer à tout moment dans la nature.


À ce moment-là, les deux parties de notre cerveau (la partie qui gère nos émotions et celle qui gère notre réflexion) sont alors déconnectées. L’amygdale prend le contrôle et le cortex n’a plus rien à dire. C’est de cette façon que notre espèce a évolué, et ça lui a permis de rester en vie. Mais de nos jours, nous n’avons plus autant besoin de ces réponses… sauf que notre cerveau n’a pas su évoluer aussi vite ! Mais quand notre cerveau perçoit une menace (et de nos jours, ce n’est plus un prédateur caché dans les fourrés, mais peut-être simplement un camarade de classe ou un enseignant qui a une attitude qui est perçue comme menaçante), eh bien notre cerveau continue de faire ce switch et de passer en mode “fight, flight or freeze”. Et dans ce cas, notre job en tant que prof, si nos élèves passent dans ce mode, c’est de les aider à reconnecter les différentes parties de leur cerveau, de repasser en mode “réfléchi”.


Comment on fait pour reconnaître qu’un élève est passé dans ce mode ? Eh bien, il faut identifier les comportements qui correspondent au mode “fight, flight or freeze”.


  • Fight / Combat → être verbalement ou physiquement abusif envers les autres (élèves ou prof), être provocateur, chercher la dispute, envoyer des objets voler à travers la classe, déchirer ses feuilles, empêcher le prof d’enseigner, crier, interrompre, dire des gros mots, perturber le cours de n’importe quelle manière.
  • Flight / Fuir → chercher à quitter la classe, saboter le cours, ne pas venir en cours, être distrait, ailleurs, regarder par la fenêtre, bouger dans la classe, ne pas savoir rester assis sur sa chaise, être incapable de se concentrer sur le cours.
  • Freeze / Se figer → regarder dans le vide, attendre que le temps passe, ne pas du tout s’engager dans l’apprentissage, ignorer les demandes du prof, mettre sa tête sur la table ou dormir, se refermer sur lui-même, refuser de répondre aux questions ou aux demandes.


En prenant en compte le développement du cerveau, on peut comprendre pourquoi les enfants ou les ados sont plus enclins à passer en mode “fight, flight or freeze”. Mais ça n’explique pas pourquoi tous les élèves ne se comportent pas de la même façon… Certains de nos élèves ne s’emportent jamais, sont calmes, attentifs et travailleurs, alors que d’autres sont constamment en train de réagir agressivement et semblent nous provoquer constamment. La différence entre nos élèves, c’est qu’ils n’ont pas grandi dans le même contexte. Ils n’ont pas eu la même enfance. Et la façon dont les premières années se déroulent, pour un enfant, a une énorme influence sur la suite.


Mais ça, c’est ce qu’on détaillera dans le prochain article !


Ce que tu dois retenir de l’article du jour, c’est que tous les comportements sont là pour combler un de nos 5 besoins fondamentaux : le pouvoir, le fun, le besoin d’appartenance, la liberté ou la survie. Le comportement qu’on choisit d’exprimer à un moment donné pour combler ce besoin va dépendre des comportements que l’on connaît, et de la capacité de notre cerveau à se faire diriger par le cortex préfrontal, qui est réfléchi, ou par l’amygdale, qui réagit à un stress avec des réponses automatiques.

Source

  • Formation “That’ll teach’Em” de Claire English (The Unteachables Academy)

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