Dans ce troisième épisode sur l’utilisation de l’IA, on va plonger dans la grande question : faut-il utiliser l’IA ou pas ?
Pour commencer, le premier point que je vais mentionner est un petit rappel important de l’épisode précédent : dès que tu envisages d’utiliser l’IA, tu dois bien avoir en tête le coût écologique de son utilisation. Si l’utilisation de l’IA peut être évitée, il va donc toujours être intéressant de le faire. Cela étant dit, on va maintenant voir 7 situations qui peuvent nous inciter à utiliser une IA générative. Je te donne mon point de vue personnel sur le sujet, mais bien entendu, chacune fait comme elle veut !
Utiliser l’IA si on n’y perd pas
La première chose qui me vient en tête quand on réfléchit à utiliser l’IA ou pas, surtout quand on est prof, c’est qu’il ne faudrait utiliser l’IA que si on ne risque pas de passer à côté d’un apprentissage en le faisant.
L’IA, c’est un “raccourci” pour faire plein de choses à notre place. Mais l’IA ne doit pas remplacer le processus d’apprentissage. Si on ne sait pas encore faire un résumé, il est d’abord primordial d’apprendre à résumer par soi-même. C’est seulement dans un deuxième temps qu’on pourra déléguer cette tâche à l’IA si on le souhaite, par exemple pour résumer un document de plusieurs dizaines de pages, pour gagner du temps.
De la même façon, si on doit enseigner la résolution d’un certain type de problème, il faut d’abord être capable de résoudre ce problème soi-même ; utiliser l’IA pour résoudre le problème et fournir les solutions à nos élèves ne peut pas nous empêcher de faire l’effort de maîtriser nous-mêmes la matière avant de nous retrouver en classe. Le fait de voir le problème résolu peut parfois aider, mais peut aussi permettre à notre cerveau de fournir moins d’efforts, de moins “travailler”, et donc de moins bien ancrer cette nouvelle compétence.
Utiliser l’IA pour des processus répétitifs et peu intéressants
Une première utilisation de l’IA qui me semble intéressante, c’est lorsqu’on a un processus répétitif et peu stimulant intellectuellement à réaliser. Pour nous, humains, la répétition peut rapidement devenir ennuyante ; on devient moins performant dans la tâche, on est vite distrait et on ne voit pas forcément de sens à répéter encore et encore la même tâche.
Dans notre quotidien d’enseignant, je pense par exemple à la rédaction des commentaires des bulletins ou aux réponses aux mails non pédagogiques. Si ces tâches te passionnent, je t’encourage évidemment à continuer à les réaliser toi-même ; mais si, comme moi, tu trouves ça vraiment endormant, alors c’est peut-être une bonne idée de déléguer… à une IA ! D’autant plus que ce sont des tâches qui demandent peu de prompts, donc peu de consommation de ressources.
L’IA est très douée pour répéter encore et encore la même chose. C’est la base même de son fonctionnement ! Ne pas réfléchir et régurgiter ce qu’elle a déjà dans sa base de données. Il suffit de bien la prompter au départ, et le tour est joué !
Utiliser l’IA pour des choses que l’on ne sait pas faire aussi bien
Une autre bonne raison d’utiliser l’IA, c’est pour lui demander de faire des choses qu’on ne sait pas faire aussi bien (ou aussi vite) qu’elle. Si on est doué pour faire quelque chose, quel est l’avantage de demander à une IA de le faire pour nous ?
En tant que prof, on est normalement plutôt doué pour créer des séquences d’apprentissage ou imaginer des activités pédagogiques. On sait très bien quel est notre contexte, quels élèves on a devant nous, quelles ressources sont disponibles… on est donc réellement expert pour concevoir des activités sur mesure pour notre pratique enseignante.
Si on demande à une IA de créer une activité pour nous, elle va probablement avoir beaucoup plus de mal à trouver une activité pertinente à tous les points de vue pour notre situation. Au départ, j’ai pas mal expérimenté avec ChatGPT pour voir s’il pouvait m’aider dans ce genre de tâche, mais je suis assez vite revenue en arrière : tout ce qu’il propose est assez basique, voire bancal.
Utiliser l’IA pour faire des choses qu’on sait très bien faire nous-mêmes, parce qu’on est expert dans un domaine, n’est donc pas une très bonne utilisation, selon moi.
Par contre, si on doit faire quelque chose où on n’a pas une grande expertise, et que faire cette tâche ne nous apportera pas grand-chose, alors il peut être intéressant de le déléguer. Par exemple, rédiger un rapport ou un compte-rendu d’une réunion, parce que c’est obligatoire de le faire, mais que personne ne le lira jamais vraiment (ou presque). Ou utiliser l’IA pour nous aider à rédiger proprement des supports de cours, si on sait qu’on a une mauvaise orthographe.
Utiliser l’IA quand c’est le meilleur outil pour faire quelque chose.
Lorsqu’on veut utiliser l’IA, il est aussi important de se demander si c’est le meilleur outil pour faire la tâche en question.
Si je dois faire une vraie recherche documentaire, que je veux retrouver les sources, croiser les infos, vérifier les données, ce n’est clairement pas ChatGPT que je vais utiliser. Une recherche bien construite sur Google, dans une base de données scientifique ou sur des sites fiables sera beaucoup plus pertinente. Et en plus, ça consommera beaucoup moins de ressources. ChatGPT est entraîné pour te donner une réponse convaincante, pas forcément une réponse juste. Donc si je veux des faits, pas des hypothèses bien tournées, je change d’outil.
C’est la même chose si je veux générer un tableau, un schéma ou un graphique. Si j’ai déjà un tableur sous la main ou un bon outil de visualisation de données, ce sera sûrement plus simple, plus rapide et plus précis que de passer par l’IA. Si j’ai une idée bien claire d’un design que je veux créer, ce sera beaucoup plus rapide et efficace de le faire directement sur Canva, par exemple, sans passer par une IA.
En gros, ce n’est pas parce que l’IA peut faire une tâche qu’elle est la mieux placée pour la faire. Ce n’est pas l’outil magique qui remplace tous les autres. Et parfois, c’est plus long d’écrire un bon prompt et de corriger ce que l’IA a proposé que de faire la tâche soi-même avec le bon outil dès le départ.
Donc, avant de te lancer, pose-toi simplement cette question : est-ce que c’est l’outil le plus adapté à ce que je veux faire ? S’il y a une alternative plus simple, plus rapide, moins coûteuse ou plus fiable, c’est vers celle-ci qu’il faudrait se tourner.
Utiliser l’IA quand elle soutient l’autonomie plutôt que la dépendance
Un autre point auquel je fais de plus en plus attention, c’est la différence entre utiliser l’IA comme un levier d’autonomie ou, au contraire, comme une béquille qui crée une dépendance. Parce que oui, l’IA peut faire les choses à notre place. Mais si on en arrive à un point où on ne peut plus réfléchir sans elle, là, ça devient problématique.
Si je l’utilise pour m’aider à structurer une idée, reformuler un texte que j’ai déjà écrit, ou générer un brouillon que je vais retravailler… alors je reste actrice. Je reste dans une dynamique où je sais ce que je veux, et l’IA vient juste m’aider à y arriver un peu plus vite. C’est moi qui reste aux commandes.
Par contre, si je commence à lui demander d’imaginer à ma place, de réfléchir à ma place, ou même de corriger systématiquement tout ce que j’écris sans jamais faire l’effort de repérer mes erreurs… là, c’est autre chose. Je commence à perdre la main, à déléguer des compétences que je suis censée entretenir. Et sur le long terme, je risque de perdre petit à petit mes propres capacités et, au lieu de m’améliorer en pratiquant, je vais devenir de moins en moins bonne.
Donc j’essaie de garder ça en tête : est-ce que l’IA m’aide à progresser, à aller plus loin ? Ou est-ce qu’elle m’endort un peu, me fait perdre la main ? Si je sens que je pourrais encore apprendre quelque chose ou muscler une compétence en faisant la tâche moi-même, je préfère le faire. Parce que ce sentiment d’être compétente, de créer quelque chose par moi-même, c’est aussi ça qui donne du sens à mon travail.
Utiliser l’IA quand elle n’efface pas la dimension relationnelle
Un autre critère qui me semble fondamental quand je réfléchis à l’utilisation de l’IA dans mon quotidien de prof, c’est de me demander si elle ne vient pas effacer, ou affaiblir, la dimension relationnelle. Parce que l’enseignement, ce n’est pas juste transmettre des contenus. C’est une activité profondément humaine, liée à la relation prof/élève.
Il y a des choses que seule une vraie présence peut apporter : un regard, un ton de voix, un silence, une reformulation à l’instant T parce qu’on a senti que l’élève n’avait pas compris. Tout ça, aucune IA ne peut le reproduire, même avec les meilleures intentions du monde.
Alors oui, l’IA peut m’aider à produire des supports, à créer des exercices, à formuler des retours écrits. Mais je ne veux pas qu’elle remplace la parole directe, l’attention portée à l’élève, la confiance qu’on construit peu à peu en classe, au fil des échanges. Je ne veux pas qu’elle devienne une interface entre eux et moi, une sorte de filtre qui rend tout plus froid, plus distant.
Je crois que si on commence à automatiser certaines interactions avec nos élèves, comme les retours de copies, les commentaires sur leurs devoirs, ou même des messages d’encouragement… on perd quelque chose. On perd une partie de cette relation qui, parfois, fait toute la différence.
Donc si je choisis d’utiliser l’IA, je veux que ce soit pour libérer du temps et de l’énergie, que je peux ensuite investir dans la relation. Et pas pour m’en éloigner.
Un autre type de lien important dans notre quotidien, c’est nos relations avec nos collègues, qui sont tout aussi importantes qu’avec nos élèves. Travailler à plusieurs, planifier une activité interdisciplinaire, réfléchir ensemble à la meilleure progression annuelle pour notre cours ou encore imaginer de nouvelles activités, c’est avec nos collègues qu’on peut le faire de la manière la plus pertinente possible pour nos élèves. Il faut donc veiller à ne pas laisser l’IA grignoter ces espaces de lien, même si elle promet de nous faire gagner du temps.
Utiliser l’IA quand elle ne masque pas les inégalités, mais les rend visibles
Un dernier point qui me semble vraiment important, c’est de ne pas utiliser l’IA si elle risque de masquer les inégalités plutôt que de les rendre visibles. Parce que l’école, qu’on le veuille ou non, c’est aussi un lieu où se rejouent - et parfois se renforcent - les inégalités sociales, culturelles, économiques, linguistiques… Et l’IA, dans tout ça, peut jouer un rôle ambigu.
Si on commence à croire que tous les élèves peuvent être “aidés” de la même façon par l’IA, on risque de faire comme si tout le monde avait les mêmes moyens d’accès, les mêmes codes, les mêmes facilités. Mais ce n’est pas vrai.
Un élève qui a chez lui un ordinateur personnel, une bonne connexion Internet, des parents qui savent ce qu’est un prompt… ne vit pas la même réalité qu’un autre qui partage un téléphone avec sa fratrie et qui découvre à peine ce qu’est une IA. Certains sauront poser les bonnes questions à l’outil, reformuler, comprendre les réponses implicites. D’autres resteront à côté. Et si on ne fait pas attention, l’IA risque de creuser les écarts, pas de les réduire.
Alors pour moi, utiliser l’IA, oui, mais pas au prix de l’aveuglement. Si elle m’aide à mieux comprendre où mes élèves en sont, à repérer ceux qui sont perdus ou qui n’osent pas demander, si elle me permet d’individualiser mon accompagnement, alors elle peut vraiment être utile.
Mais si je l’utilise en supposant que tout le monde part avec les mêmes chances, je me trompe. Et je risque d’aggraver, sans le vouloir, des inégalités déjà bien ancrées.
Ce dernier point me permet de faire le lien avec un prochain épisode, où on parlera justement de l’utilisation de l’IA par les élèves, des problèmes que cela peut poser, et on réfléchira à la meilleure façon d’aborder ce sujet avec eux.
Alors, IA ou pas ?
Alors, la prochaine fois que tu te demandes si tu devrais utiliser une IA pour faire telle ou telle tâche, pose-toi quelques questions simples. Des questions qui t’aideront à savoir si c’est une bonne idée… ou pas.
Est-ce que cette tâche m’apprend quelque chose ? Est-ce qu’elle me permet de progresser ? Parce que si oui, ce serait peut-être dommage de la déléguer trop vite.
Est-ce que c’est une tâche que je maîtrise déjà, ou qui ne m’apporte rien de plus si je la fais moi-même ? Est-ce qu’elle est répétitive, pénible, et qu’une IA pourrait s’en charger pour me libérer du temps et de l’énergie mentale ?
Est-ce que l’IA est vraiment le meilleur outil pour faire ça ? Ou est-ce que je pourrais faire plus simple, plus léger, avec un autre outil ou en le faisant à la main ?
Est-ce que j’aurais fait cette tâche si l’IA n’existait pas ? Ou est-ce que je me laisse juste embarquer par la nouveauté sans réel besoin derrière ?
Est-ce que son utilisation, ici, renforce l’autonomie, ou est-ce qu’elle crée une dépendance ?
Est-ce qu’elle me rapproche des autres, ou est-ce qu’elle me fait perdre un moment de lien, de relation, de présence ?
Et enfin, est-ce que je suis attentive à ne pas invisibiliser les inégalités ? Est-ce que je garde en tête que tout le monde ne dispose pas des mêmes outils, ni des mêmes compétences pour les utiliser ?
Si tu réponds honnêtement à ces questions, tu sauras, je pense, si l’IA est un bon choix dans ce cas précis.
Il n’y a pas de réponse universelle au fait d’utiliser l’IA ou pas. Cela dépend de la situation, et de ton alignement personnel face à toutes ces nouveautés.
D’ailleurs, certaines personnes refusent catégoriquement d’utiliser l’IA. Certaines de ces personnes sont des profs, d’autres sont des élèves. Il est important de garder aussi ça en tête si tu proposes des activités où il faut utiliser l’IA dans tes classes.
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