Trop de jeux dans les apprentissages ?

Ces dernières années, on voit apparaitre un peu partout l’idée que le jeu est un outil incroyable et qu’il faut l’utiliser pour favoriser les apprentissages. Escape game en classe ou virtuel, détournement de jeux traditionnels pour faire des révisions, créations de jeux inédits pour que les élèves apprennent mieux.

Mais qu’en est-il réellement ? Est-ce qu’il faut absolument passer par le jeu pour encore arriver à intéresser et motiver nos élèves ? Est-ce qu’on est un “mauvais prof” si on ne fait pas jouer nos élèves régulièrement ? Est-ce qu’il faut toujours trouver un moyen pour “gamifier” ou “ludifier” son enseignement ?

Dans cet article, je vais partager une opinion basée sur mes observations sur le terrain ces dernières années, et pas un résumé de lectures ou d’études scientifiques.

Je suis une grande joueuse. Chez moi, j’ai plein de jeux de société. Mon frère en a une encore plus grande collection. Nos réunions de famille sont toujours accompagnées d’un moment de jeu, et j’ai grandi dans une maison où on jouait régulièrement.

Je ne suis pas une grande adepte de jeux vidéos, mais ces dernières semaines j’ai pour la première fois passé des dizaines d’heures à me plonger dans le jeu Hogwarts Legacy pour replonger, encore une fois, dans le monde magique d’Harry Potter.

J’adore aussi les expériences gamifiées, je suis compétitrice et j’aime jouer pour gagner. Comme ça, tu en sais un peu plus sur mon vécu par rapport aux jeux.

Durant les confinements successifs que nous avons vécu ces dernières années, j’ai beaucoup investi dans la pédagogie par le jeu, pour que mes élèves aient le plus possible envie de se connecter pour suivre mes cours à distance et pour réaliser les activités que je leur proposais. La majorité des enseignants leur proposaient des activités traditionnelles, mais à faire derrière un écran. J’ai donc misé sur la différence et l’innovation en essayant de leur proposer quelque chose de différent et de ludique. Et ça a plutôt bien fonctionné !

Depuis le retour à un enseignement en présentiel à 100%, j’ai évidemment gardé certaines activités ludiques et j’ai continué à proposer des jeux à mes élèves. Mais je suis un peu revenue en arrière sur la quantité d’activités ludiques, alors que j’observe autour de moi, que ce soit dans l’école dans laquelle je travaille ou sur les réseaux sociaux et internet en général, un engouement de plus en plus grand vers la ludification des apprentissages.

Je pense que le jeu peut être un outil intéressant pour favoriser les apprentissages, mais il ne doit pas être utilisé à tout bout de champ. Les activités ludiques peuvent être très bénéfiques pour les élèves, en les aidant à s'engager davantage dans leur apprentissage et en leur permettant de découvrir de nouveaux concepts de manière amusante et engageante. Cependant, il est important de trouver un juste équilibre entre les activités traditionnelles et les activités ludiques, et de ne pas perdre de vue les objectifs pédagogiques que l'on souhaite atteindre.

Pour qu’un jeu soit pertinent en classe, je pense qu’il doit être très bien réfléchi et que la partie ludique ne doit pas l’emporter sur la partie apprentissage. J’ai observé trop souvent des élèves qui veulent à tout prix avancer dans le jeu ou gagner, et qui en perdent de vue l’objectif réel : apprendre quelque chose.

Combien de fois je n’ai pas entendu, dans mes classes ou par des collègues, des élèves se plaindre qu’on ne les fait pas jouer ? “C’est la dernière semaine avant les vacances” ; “Avec le prof de tel cours on fait toujours un jeu” ; “Ce n’est pas de la pédagogie active si ça n’est pas amusant !”.

J’ai peur que cette généralisation du jeu crée un attendu auprès des élèves, qui ne veulent plus qu’avoir cours sous forme de jeu. Je pense toutefois que la vie n’est pas constituée uniquement de moments ludiques, et qu’il est important de leur apprendre à se concentrer sur des tâches classiques également. J’ai l’impression que les élèves ne savent plus faire cela, et c’est cette observation qui me pousse à mettre en garde le monde de l’enseignement.

J’adore faire jouer ponctuellement mes élèves. Mais que cela ne devienne pas une généralité afin qu’ils apprennent encore ce qu’est le travail rigoureux, le fait de se concentrer sur une tâche qu’ils n’aiment pas forcément, dans un cadre qui leur est imposé, ou encore l’apprentissage juste pour l’apprentissage. J’ai l’impression que nous n’aidons pas les élèves en leur faisant croire que tout peut se faire sous forme de jeu.

En conclusion, je pense que le jeu peut être un outil intéressant pour favoriser les apprentissages, mais il ne doit pas être utilisé à outrance. Il est important de trouver un équilibre entre les activités ludiques et les activités plus traditionnelles, et de ne pas perdre de vue les objectifs pédagogiques que l'on souhaite atteindre. Le jeu peut être une source de motivation pour les élèves, mais il ne doit pas devenir un objectif en soi. Il est important de garder à l'esprit que le jeu n'est qu'un moyen parmi d'autres pour favoriser les apprentissages et que son utilisation doit être réfléchie et bien dosée.