Aujourd’hui, je vais te raconter l’histoire de la découverte d’une lumière invisible. Tu sais sûrement que la “lumière”, c’est en fait une onde électromagnétique qui peut être assimilée à la lumière visible, que nous voyons de nos yeux, mais également à d’autres types de rayonnements qui nous sont invisibles, comme les ultraviolets, les rayons X, les ondes radios ou encore les infrarouges, dont je vais te parler aujourd’hui. Mais pour cela, nous allons faire un petit voyage dans le temps et retourner au 18ème siècle pour suivre les traces de Sir William Herschel, dont tu as peut-être déjà entendu parler pour sa découverte d’Uranus.
Bien avant de se lancer dans l’astronomie, William Herschel, né en 1738 en Allemagne, était un musicien accompli. C’est le fils d’un chef d’orchestre, il est donc élevé dans la peau d’un musicien. Très vite, il développe d’ailleurs un talent certain pour la musique et devient hautboïste à 14 ans. Si comme moi tu ne connais pas ce mot, un hautboïste est un musicien qui joue du hautbois, un instrument à vent de la famille des bois.
A 19 ans, William Herschel va fuir l’Allemagne pour l’Angleterre, après avoir déserté l’armée. Il passera la majorité de sa vie en Angleterre. Il va travailler en tant que musicien itinérant pendant près de 10 ans jusqu’à devenir organiste (cette fois, c’est donc un musicien qui joue de l’orgue). Il donne également des cours de musique. Sa soeur Caroline va le rejoindre en Angleterre quelques années plus tard, et aura un rôle important à jouer par la suite.
En parallèle de sa vie de musicien, sa passion pour l’astronomie se développe. Il achète des livres d’astronomie et loue des petits télescopes pour commencer, puis il finira par acheter du matériel pour fabriquer lui-même ses propres outils optiques. Il commence ainsi ses observations du ciel en 1774, donc lorsqu’il a 35 ans.
A cette époque, tous les astronomes utilisent des télescopes réfracteurs pour observer le ciel nocturne, c’est-à-dire des télescopes à lentilles qui présentent des limitations. Herschel va au contraire utiliser un autre type de télescope ; les télescopes à réflexion ou télescope de Newton, qui utilisent des miroirs plutôt que des lentilles, ce qui permet, par exemple, d’éviter les aberrations chromatiques. Il va ainsi construire un télescope de 12 mètres de longueur focale, ce qui en fait le plus grand télescope de l’époque. Ce genre de télescope permet d’augmenter la puissance, la résolution et le grossissement.
Son observation rigoureuse et systématique du ciel l’occupera pendant des années. Il va ainsi cataloguer des centaines d’étoiles doubles, un phénomène encore inconnu jusque-là.
Le 13 mars 1781, William Herschel pointe son télescope vers une région du ciel inexplorée. Là, il vit une lueur inattendue, un objet céleste en mouvement. Était-ce une étoile ? Non, Herschel réalisa qu'il avait trouvé quelque chose de bien plus spécial - une planète inconnue jusqu'alors.
En effet, Herschel venait de découvrir Uranus, la première planète découverte à l'aide d'un télescope. Cette trouvaille le propulsa sous les feux de la rampe de la communauté scientifique. Le roi George III lui octroya même une pension pour ses exploits astronomiques.
Pendant toute sa carrière d'astronome au service du roi George III d'Angleterre, il travailla avec sa soeur, Caroline Herschel, qui était son assistante et l'aidait dans son exploration systématique du ciel. Caroline Herschel était également une observatrice chevronnée; elle découvrit de nombreuses comètes et publia elle aussi un catalogue d’observations. C’est d’ailleurs la première femme qui sera payée pour un travail scientifique.
Leurs observations communes permettront, entre autres, de déterminer que la planète Mars possède une atmosphère et qu’elle possède des calottes polaires, ou encore de découvrir deux des satellites d’Uranus.
Les recherches d’Herschel le mènent à observer le soleil et à utiliser différents verres assombrissants, de couleurs différentes, comme filtres. Il remarque alors qu'une sensation de chaleur différente se fait en fonction de la couleur du verre qu'il utilise. Cette situation déclenche chez Herschel le questionnement suivant : quel rapport cette chaleur entretient-elle avec les différentes couleurs?
Cherchant à répondre à cette question, Herschel va réaliser une série d’expériences très simples durant l’année 1800. Pour commencer, il va mesurer la température des différentes couleurs du spectre. Depuis Isaac Newton, on sait bien utiliser un prisme pour décomposer la lumière du soleil en ses différentes couleurs. Herschel va donc installer un dispositif qui décompose la lumière du soleil entrant par sa fenêtre à travers une petite fente, puis un prisme. Si tu veux reproduire cette expérience, tu vas avoir un léger problème : la terre tourne, et donc la lumière du soleil se décale petit à petit. Herschel va donc construire un ingénieux système pour contrer cette rotation, et placer un thermomètre dans différentes couleurs du spectre.
Pour réaliser des mesures précises, il noirci le bas des thermomètres pour mieux absorber la lumière, et il place un thermomètre dans une couleur particulière, et deux autres thermomètres dans l’ombre, pour servir de témoins. Il réalise ses mesures en degrés Fahrenheit et, après avoir répété plusieurs fois ses expériences, il obtient les résultats suivants :
- pour le rouge, la température s’élève en moyenne de 6,75°F
- pour le vert, la température s’élève en moyenne de 3,25°F
- pour le violet, la température s’élève en moyenne de 2°F
Il observe donc que l’élévation de température est de plus en plus élevée lorsqu’on va vers le rouge, ce qui montre bien que la chaleur ressentie n’est pas la même en fonction de la couleur. Mais il y a encore quelque chose qui le chiffonne… il s’attendait à obtenir un pic quelque part au milieu du spectre visible, mais ce n’est pas le cas, puisque le pic est à une extrémité du spectre. Ce qui voudrait dire que le maximum devrait se situer en dehors du spectre visible.
Si c’est bien le cas, cela voudrait dire que la chaleur ne provient pas de la lumière, mais de quelque chose d’autre. Herschel va donc parler de “lumière invisible”, de “chaleur rayonnante” ou encore de “rayons calorifiques”. Il va continuer ses expériences pour essayer de comprendre les propriétés de cette lumière invisible qui produit de la chaleur. Il va donc recommencer son expérience, mais cette fois il va placer des thermomètres au-delà du spectre visible, après le rouge, donc dans l’ombre. Il va ainsi mesurer une élévation de température plus importante après le rouge et trouver un pic d’élévation dans cette zone en dehors du spectre visible.
Herschel observe donc que la lumière visible et la chaleur rayonnante, ou lumière invisible, partagent les mêmes propriétés optiques (de réfraction et de dispersion). Pour expliquer un même phénomène, il fera alors appel à un principe d’économie de pensée qui dit : “Les règles philosophées ne nous permettent pas d'admettre deux causes différentes pour expliquer certains effets s'ils peuvent être expliqués par une seule.” Ce qu’il exprime ici, c’est que si nous avons deux phénomènes qui répondent aux mêmes lois de l’optique, est-ce que ces deux phénomènes n’en seraient pas un seul ? Nous savons aujourd’hui que c’est le cas - il s’agit dans les deux cas d’ondes électromagnétiques.
Pour confirmer son hypothèse, il va continuer à faire plus de 200 expériences pour comparer les propriétés optiques de la lumière visible et de la chaleur rayonnante, que nous appelons donc aujourd’hui l’infra-rouge. Il va étudier les phénomènes de réflexion, réfraction, dispersion, transmission et diffusion et chacune de ses expériences va confirmer que la lumière visible et la chaleur rayonnante partagent les mêmes propriétés optiques.
D’autres “lumières invisibles” ont été découvertes par la suite : on peut mentionner les ultraviolets découverts par Johann Wilhelm Ritter, les rayons gamma découverts par Paul Villard ou les rayons X découverts par Röentgen, mais ce sont des histoires pour de potentiels futurs épisodes !
L’histoire de William Herschel illustre plusieurs choses qui me tiennent à coeur :
- il ne faut pas spécialement se lancer jeune dans une carrière pour y faire des découvertes majeures, puisqu’il a fallu attendre plus de 60 ans pour qu’Herschel découvre les infra-rouges, après s’être lancé dans l’astronomie après 35 ans de musique
- c’est par l’observation rigoureuse d’expériences que la science peut avancer, ce qui est une très bonne leçon pour nos élèves - et pour nous-mêmes.
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