Un outil pour gérer l'hétérogénéité

Transcription de l'épisode :

Aujourd’hui, je vais te parler d’un problème récurrent pour beaucoup de profs de sciences. Et je vais te partager au moins un début de solution, car c’est bien joli d’exposer des problèmes, mais tu es surtout là pour trouver de quoi faciliter ta vie de prof, pas pour déprimer sur les difficultés de ce joli métier.

J’en profite pour m’excuser d’avance à tous les Timéo - il me fallait un prénom d’élève pour donner un exemple concret tout au long de l’épisode. Je n’ai jamais eu de Timéo - peut-être que ton Timéo est un élève brillant en sciences, mais pour aujourd’hui, il sera plutôt l’élève typique qui ne réussi pas notre cours.

Allez, commençons !

Dans beaucoup d’écoles que j’ai visitées, les profs de sciences et de maths sont un peu un cas à part (avec peut-être les profs de néerlandais) : on a plein d’élèves en échec. Dites-moi si je me trompe, mais autour de moi, c’est ce que j’entends tout le temps. On fait partie des profs où il y a le plus d’échecs dans nos matières… C’est un peu déprimant.

D’où cela peut-il bien venir ? Mon avis sur la question, c’est que nos cours se basent sur un apprentissage pyramidal. Ce que Timéo voit en maths durant une année, il en aura besoin pour comprendre ce qu’il verra en maths l’année suivante. Idem en sciences. Et en bonus : ce qu’il voit en maths, il en aura besoin plus tard en sciences (et si le Covid est passé par là, il en aura même besoin le mois précédent en sciences).

Conséquence : lors des conseils de classe de fin d’année, on fait toujours partie des profs qui râlent parce qu’un élève en échec passe dans l’année supérieure, mais qu’on sait bien que ça ne fonctionnera pas dans notre matière.

Et Timéo peut faire à peu près tout ce qu’il veut, s’il n’a pas d’aide supplémentaire à la maison, il y a à peu près zéro chance qu’il puisse rattraper une année de maths ou de sciences où il n’a rien compris. Et il va donc accumuler encore et encore plus de retard.

Bon. C’est mal parti tout ça.

Comment faire en tant que prof pour arriver à gérer ce genre de chose ? Car on va se retrouver avec Timéo dans notre classe, et il va bien falloir lui donner cours et ne pas l’abandonner à son triste sort.

Et bien on l’entend à toutes les sauces en ce moment ; il faut différencier pour arriver à gérer l’hétérogénéité de nos classes.

C’est bien joli sur le papier, mais en pratique, on fait comment quand on a 25 à 30 élèves de niveaux différents devant nous ? Car outre Timéo qui ne comprend plus rien depuis deux ans, on a aussi Léa qui s’ennuie depuis trois ans car tout va trop lentement pour elle, et qui est du coup aussi en train de décrocher. Et tous les autres qui sont quelque part entre ces deux extrêmes.

Je te propose donc sur un plateau une (partie de) solution : travailler avec des fiches.

Les séances magistrales où tu donnes cours au tableau devant la classe ? C’est has been. Maintenant, il faut adapter son cours pour qu’il soit au niveau de tous les élèves en même temps. Il faut donc créer des supports potentiellement différents pour chaque élève. Mouais… on exagère un peu là. On va rester à un niveau gérable d’un point de vue des préparations…

Modifier tout son cours, c’est probablement trop complexe pour l’instant. Mais ce que tu peux faire directement, c’est prévoir des moments dans ton cours où chaque élève peut travailler sur les compétences qu’il a besoin de travailler. Chez nous, ça s’appelle le “travail en autonomie”. Certains professeurs fixent une période de cours, toujours la même dans la semaine, où les élèves choisissent de travailler sur “ce qu’ils veulent”.

Entendons-nous bien : ce qu’ils veulent, mais dans le cadre du cours. Ils peuvent donc revoir de la matière qu’ils n’ont pas comprise précédemment, refaire des exercices pour mieux comprendre pourquoi ils ont raté l’évaluation du chapitre d’avant, faire des exercices sur le chapitre en cours ou se challenger avec de la nouvelle matière qui n’a pas été vue en classe. Bref : il y en a pour tous les goûts, et surtout pour tous les niveaux.

C’est un peu chaotique au départ, mais une fois que la mayonnaise a pris, en général, les élèves sont contents. Et cela permet à Timéo de travailler sur de la matière très basique, qu’il peut comprendre. C’est indispensable pour qu’il regagne un petit peu de confiance en lui par rapport à cette matière, car s’il se sent perdu à chaque cours, c’est peine perdue pour le récupérer…

De son côté, Léa va pourvoir retrouver de l’intérêt à suivre un cours qui va lui permettre de se dépasser et de pouvoir enfin aller plus vite, sans devoir attendre que toute la classe ait compris.

Côté prof, le challenge, ça va être de fournir suffisamment de fiches pour que tout le monde trouve son compte. Et c’est loin d’être facile ; plutôt que de préparer une fiche d’exercice, il faut en préparer autant que de niveaux différents dans la classe. Alors on va déjà se simplifier le travail en réduisant ça à seulement trois niveaux par exemple : un niveau très simple de révision des bases, un niveau “normal” où les exercices correspondent à ce qu’il faut voir en classe cette année-là, et un niveau de “dépassement” pour les élèves qui veulent aller plus vite, plus loin ou encore découvrir de nouvelles choses.

Au départ, c’est un peu mission impossible si on est seule à se lancer là-dedans… Mais heureusement, tu n’es pas seule !

La magie d’internet opérant, tu peux trouver des pépites sur des sites de profs, sur des groupes de partages Facebook ou simplement en demandant à tes collègues directs. Si tu es prof de chimie ou de physique dans les dernières années du secondaire, je peux même directement t’aider puisque j’ai dû créer ce genre de fiche pour mes propres cours !

J’ai maintenant un quinzaine de fardes de travail en autonomie bien rangées dans le laboratoire de chimie, où je donne la plupart de mes cours. Chaque farde porte sur un chapitre et contient des fiches permettant aux élèves de s’entrainer sur des compétences bien précises, et selon trois niveaux de difficultés. Pour que les élèves puissent se servir de manière autonome et utiliser ces fardes quand ils le souhaitent (que ce soit lors des moments prévus pour cela en classe, ou lorsque je suis absente et qu’un autre prof me remplace, ou encore dans des moments de remise à niveau ou de soutien), je prends le temps de leur expliquer l’organisation que j’ai mise en place lors des premiers cours avec eux.

Il y a une version de chaque fiche qui est dans une chemise plastique, et qui doit rester là - c’est la version originale. Derrière cette version originale, je photocopie plein de fois la fiche - c’est ça que les élèves peuvent prendre. Lorsqu’ils prennent la dernière fiche disponible, ils me préviennent, comme ça je sais que je dois refaire des copies - il me suffit de prendre la version originale toujours disponible dans la farde.

De mon côté, je prends le temps en début d’année de faire un bon nombre de copies pour toutes les fiches pour essayer de ne pas tomber à court de fiches au moment où tout le monde en a besoin. Pour une classe de 25 élèves, je fais 25 copies pour les fiches d’un niveau “moyen”, car chaque élève devrais être capable de faire ces fiches là durant l’année, je fais 4 ou 5 copies des fiches de dépassement, et je fais une dizaine de copies des fiches les plus faciles. En général, cela correspond au profil de la plupart des classes.

Ça c’est pour l’organisation des fiches en classe.

Mais on trouve quoi exactement sur une fiche de travail en autonomie ? Si tu te lances toi-même dans la confection de fiches, tu peux te contenter, au départ, d’une série d’exercice avec le correctif. Je te conseille de mettre le correctif au verso de la feuille, pour qu’il soit directement disponible, mais pas sous les yeux des élèves lorsqu’ils font l’exercice. Petit à petit, tu peux ajouter d’autres choses sur les fiches pour que les élèves deviennent réellement autonomes. Par exemple, j’ai ajouté un bref rappel théorique écrit et un QR-code vers une ou plusieurs vidéos explicatives, ce qui permet aux élèves qui sont perdu face aux exercices d’avoir une base théorique pour les aider. Certaines vidéos leur montrent également comme résoudre un des exercices de la fiche. J’ajoute aussi la compétence précise travaillée sur la fiche. Comme ça, si un élève à raté une compétence précise lors d’une évaluation, il sait précisément quelle fiche prendre pour retravailler sur ses erreurs.

Si tu veux voir à quoi ressemblent ces fiches, tu peux aller télécharger les fiches de chimie ou de physique que je partage. Tu trouveras 28 fiches sur les bases de la chimie (clic) et 15 fiches sur les mouvements en physique (clic), pour avoir un aperçu de ce que j’utilise. En pratique, j’ai plus de 200 fiches de chimie qui sont maintenant disponibles pour mes élèves et qui couvrent (presque) la totalité de la matière de chimie vue en secondaire, et une centaine de fiches de physique, mais j’ai pour objectif de compléter ces fiches cette année pour arriver à couvrir toute la matière de physique également. Si tu veux te faciliter la tâche, tu peux acheter directement les pack de fiches de chimie ou de physique dans la boutique de mon site.

Ces fiches permettent donc à mes élèves de bosser sur ce qu’ils veulent, que ce soit en classe, mais aussi à domicile (car avec seulement 2h de chimie par semaine, je n’ai pas le temps de leur proposer ce genre de séance régulièrement si je veux être à jour !). Ils peuvent se remettre à niveau après une absence, à la suite d’une évaluation ratée ou pendant des vacances si les lacunes sont importantes. Et de mon côté, j’ai toujours des exercices disponibles dès que j’en ai besoin, sur toute la matière et à des niveaux variés - c’est l’idéal !

Je ne peux que t’encourager à te lancer dans l’utilisation de fiches de travail en autonomie. Que ce soit pour toi, ou pour tes élèves, c’est un énorme gain de temps et d’organisation une fois que tout est mis en place. Si tu as des questions là-dessus, n’hésite pas à me contacter, que ce soit sur mon site, en répondant à ma newsletter, sur instagram ou sur facebook, je me ferai un plaisir de te répondre.