5 pratiques de classe pour que les élèves retiennent mieux

Aujourd’hui, on va parler de quelques techniques à mettre en place dans nos classes pour favoriser la réduction cognitive, qui est une notion dont je t’ai parlé dans un précédent article. Si tu ne l’as pas encore lu, je te conseille de commencer par là pour bien comprendre ce dont on va parler aujourd’hui.


Pour rappel, la réduction cognitive, c’est le fait d’arriver à regrouper plusieurs informations en un seul paquet d’information : par exemple, plutôt que de retenir la suite de chiffres “4 5 2 9 8 3”, on peut regrouper les chiffres en nombres : “45 29 83”. Plutôt que de stocker plusieurs petites informations dans les différentes cases de notre mémoire de travail, on arrive à regrouper plusieurs informations.


Une façon d’y arriver est de les appeler toujours de façon simultanée dans notre mémoire de travail, et petit à petit notre cerveau apprend que toutes ces informations font partie d’un même “paquet” d’informations, et ce paquet peut être mobilisé en un seul bloc dans notre mémoire, qui ne va occuper d’une seule case de notre mémoire de travail. Il restera donc plus de cases libres pour y placer d’autres informations. Être “doué” dans un domaine est donc plutôt lié à notre capacité à regrouper les informations de manière pertinente plutôt que de tenter d’augmenter la capacité de notre mémoire de travail.


Pour aider les élèves à faire de la réduction cognitive, on peut mettre en place certaines pratiques qui vont la favoriser au sein de nos cours. Je t’en donne 5 dans l’article d’aujourd’hui.



1. Établir des rituels, des habitudes

La première chose que je te conseille de faire, c’est d’établir des rituels. Je t’en ai déjà parlé plusieurs fois, et je te détaille mon rituel préféré dans cet article. En gros, je commence tous mes cours par un micro-test, c’est-à-dire une petite évaluation de 5 minutes. Au départ, les élèves ne savent pas trop à quoi s’attendre, ils doivent réfléchir à beaucoup de choses pour comprendre ce que j’attends d’eux lors de ce moment, comme par exemple le fait qu’ils doivent être prêts à travailler dès que l’heure commence, que le cours doit être ouvert devant eux, puisqu’ils peuvent l’utiliser lors du micro-test, qu’ils doivent avoir leur feuille prête pour répondre quand je lance le chronomètre, que j’exige le silence, qu’ils ne peuvent pas poser de questions, et encore plein d’autres petits détails qui font que ce rituel se passe comme j’ai envie qu’il se passe.


Au départ, je vais devoir beaucoup répéter chacune des consignes, mais à chaque nouveau cours, les élèves vont entendre les mêmes consignes encore et encore. Chaque consigne occupe une case de la mémoire de travail des élèves - ils ont du mal à se souvenir de tout en même temps. Petit à petit, le cerveau des élèves va réaliser que toutes ces consignes individuelles sont appelées en même temps en mémoire de travail. À force de répétitions, toujours dans les mêmes conditions, et avec exactement les mêmes consignes, le cerveau va regrouper toutes ces consignes en un seul “bloc” de consignes ; cela devient la consigne unique associée aux micro-tests de début de cours. Cette consigne unique pourra alors être mobilisée par les élèves dans une seule case de leur mémoire de travail. Ça y est - ils ont fait de la réduction cognitive.


Alors dans cet exemple, ils n’apprennent pas une notion scientifique, mais c’est pour te donner une idée globale de l’application d’un rituel. Dans tes cours, ces rituels, ou ces habitudes, peuvent être mis en place lorsque tu demandes à tes élèves de faire un travail, de résoudre un exercice ou de se lancer dans une tâche particulière. Leur donner une marche à suivre générale, qui sera toujours la même pour un type de tâche, va leur permettre d’occuper moins de cases dans leur mémoire de travail avec les consignes, et donc d’avoir plus de cases de disponibles pour y placer des notions du cours.


Par exemple, j’utilise toujours le même rituel pour résoudre un problème de physique : on note les données, on identifie l’inconnue, on trouve la formule à utiliser et enfin on fait la résolution. En utilisant toujours la même procédure, année après année, cela devient un automatisme pour les élèves, qui ne doivent même plus y réfléchir - leur mémoire de travail est donc plus disponible pour réfléchir concrètement au problème.


Un autre rituel intéressant en cours de sciences, c’est la rédaction des rapports de laboratoire. Si tu utilises toujours la même structure pour un rapport de laboratoire, il sera beaucoup plus facile pour les élèves d’ancrer cette structure et donc de réfléchir concrètement au contenu du rapport et pas à la façon de le rédiger.



2. Faire des séances d’exercices

Les séances d’exercices sont un passage obligé pour que nos élèves retiennent - surtout dans les matières scientifiques. Une séance d’exercices permet de travailler l’automatisation des procédures, ce qui est super important pour réduire la charge cognitive lorsque les exercices vont devenir de plus en plus complexes.


Dans l’idéal, voici à quoi devrait ressembler une progression pensée pour l’apprentissage :

- Tout d’abord, on montre clairement à l’élève comment résoudre un type d’exercice.

- Ensuite, l’élève reproduit la résolution de cet exercice lui-même, d’abord sur le même exercice, puis sur des exercices similaires.

- Petit à petit, des exercices plus complexes peuvent être introduits, en explicitant à chaque fois la nouveauté s’il y en a une.

- Ce n’est que quand l’élève est à l’aise et qu’il sait résoudre des exercices “simples” de façon automatique que l’on peut lui proposer des tâches complexes qui utilisent ces différents procédés de résolution.


Alors ça, c’est une situation idéale, qu’il est difficile de mettre en place de manière simultanée pour tous les élèves, puisque les élèves n’ont pas le même rythme. Pour y arriver, il faudrait donc donner aux élèves des séries d’exercices corrigés sur lesquels ils peuvent s’entraîner à leur rythme. Cela demande un certain temps de préparation en amont, mais une fois que ces fiches d’exercices sont prêtes, elles sont réutilisables années après années ! Si tu enseignes la chimie ou la physique, tu peux accéder à mes fiches d’exercices depuis mon site (je te mets le lien dans la description de l’épisode).


Une erreur que les élèves font beaucoup, c’est de s’arrêter de travailler sur un type d’exercice quand ils pensent l’avoir compris. Sur le court terme, c’est très bien ainsi, le cerveau ne s’ennuie pas et continue d’être actif. Mais sur le long terme, il ne faut pas oublier de revenir sur des exercices déjà maîtrisés pour faire ce qu’on appelle du “surapprentissage”. C’est en se forçant à revenir sur d’anciens exercices déjà réussis que l’on peut réellement consolider cette méthode de résolution et l’ancrer durablement dans le cerveau. Il n’est donc pas nécessaire de toujours fournir de nouveaux exercices aux élèves, il faudrait au contraire leur demander de refaire les exercices déjà faits. C’est grâce à ce surapprentissage que la procédure de résolution va pouvoir être mobilisée sans occuper de place dans la mémoire de travail.


Par exemple, lorsque nous lisons un texte, nous ne réfléchissons plus à la procédure que nous mettons en place pour lire - cela nous a demandé des années de pratiques pour en arriver là, mais maintenant, nous pouvons nous concentrer sur le contenu du texte que nous lisons et plus sur la technique à mobiliser pour lire, ce qui n’était pas le cas lorsque nous étions en train d’apprendre à lire.


C’est pareil pour les élèves qui apprennent à résoudre un problème de maths ou de sciences : c’est à force de pratique et d’entraînement régulier que la procédure va pouvoir s’automatiser.


Pour que ces séances d’exercices soient encore plus efficaces, il faudrait arriver à les répartir dans le temps. Plutôt que de faire 3 séances d’exercices d’affilée sur une même matière, l’idéal serait de faire une petite séance d’exercice une semaine, puis de faire autre chose cette semaine-là, et de refaire une autre séance la semaine suivante, et de nouveau une ou deux semaines après. Si tu prévois 3 heures d’exercices pour un chapitre, il vaut mieux prévoir 6 séances d’exercices de 30 minutes que 3 séances d’une heure. Ce n’est pas ce qui est le plus souvent pratiqué dans les écoles, puisqu’on a tendance à faire un chapitre au complet, puis de l’évaluer, et ensuite de passer au chapitre suivant. Mais d’un point de vue des apprentissages et du fonctionnement de la mémoire, il est au contraire plus pertinent de répartir un apprentissage dans le temps.


Je suis en train de tester cela avec une de mes classes cette année : je donne la théorie de manière plus condensée, puis je fais des premières séances d’exercices, mais l’évaluation n’arrive pas tout de suite. Je commence un autre chapitre tout en laissant des moments d’exercisation sur le chapitre précédent, et j’essaie aussi de répartir l’évaluation dans le temps : mes élèves ont une petite évaluation chaque semaine, et je les interroge sur des chapitres différents chaque semaine. Certains élèves sont forts perturbés par ce fonctionnement, car on mélange les matières et le cours semble moins structuré a priori, mais cela me permet de mettre en place une récupération en mémoire plus régulière et plus espacée dans le temps, ce qui devrait favoriser l’apprentissage à long terme ! Le système que j’utilise est encore loin d’être parfait, mais je teste de nouvelles choses chaque année jusqu’à trouver quelque chose qui semble convenir au mieux - et c’est ce que je t’encourage aussi à faire !



3.Réduire les distractions

Pour que les différentes cases de la mémoire de travail soient utilisées au mieux, il faut éviter de les remplir avec des choses qui n’ont pas de rapport avec les apprentissages visés. Il faut donc absolument éviter les distractions.


Les distractions peuvent être de plusieurs sortes :

- Visuelles : quand on surcharge les murs de la classe avec de la décoration, ou qu’on veut faire des supports de cours jolis en y ajoutant des choses inutiles dessus.

- Auditives : quand la classe n’est pas silencieuse et que les élèves sont distraits par les conversations de certains, ou qu’il y a du bruit en dehors de la classe qui perturbe la concentration de nos élèves.

- Météorologiques : qui n’a jamais vu son cours s’interrompre lorsque la neige commence à tomber ou lors d’une grosse averse ou d’un orage ?

- Technologiques : les élèves ont maintenant tous un smartphone dans leur poche ou dans leur sac, qui peut se mettre à sonner, à vibrer et à être plus attirant que notre cours. Lorsqu’on fait travailler nos élèves sur ordinateur ou tablette, il peut s’agir également de la tentation d’aller y faire autre chose que ce qui est demandé par l’enseignant, ou encore de devoir résoudre des problèmes liés à l’utilisation de la technologie, ce qui dévie l’attention des apprentissages visés.


Toutes ces distractions vont occuper de la place dans la mémoire de travail des élèves. Il faut donc essayer de les minimiser au maximum.


Lorsque tu crées un support de cours, pense à ne pas le surcharger et à éviter les décorations inutiles ou tout ce qui pourrait attirer l’attention des élèves sur autre chose que l’apprentissage visé.


En classe, essaie toujours de veiller à obtenir le silence si chaque élève doit se concentrer sur ce que tu dis ou sur une tâche précise et individuelle. Une technique encore controversée est l’utilisation de la musique en classe ; certaines études pointent le fait que d’écouter de la musique peut distraire l’apprenant, mais d’autres études montrent que cela permet de mieux se concentrer, surtout lorsqu’on est dans un environnement bruyant. Le type de musique utilisé n’a pas le même impact : essayer de lire un texte en écoutant une musique avec des paroles sera compliqué, alors que s’entraîner sur des exercices de maths en écoutant une musique sans paroles pourra être bénéfique.


De mon côté, j’utilise la musique lors de certaines séances d’exercices ; les élèves ont le droit d’écouter leur musique lors de moments de travail en autonomie. Ces moments sont encadrés par une charte d’utilisation de leur smartphone et ne sont pas généralisables à n’importe quel moment de travail. Ce que j’observe, c’est que cela permet d’avoir un niveau sonore beaucoup plus bas dans la classe, ce qui permet aux élèves qui en ont besoin de mieux se concentrer, même si eux choisissent de ne pas travailler en musique. D’autres élèves en profitent également pour s’isoler et se mettre “dans leur bulle” pour travailler, ce qui est bénéfique également. Par contre, certains élèves abusent de ce droit et semblent écouter leur musique pendant toute la séance sans vraiment travailler. Il y a donc du pour et du contre.


Lors d’un événement météo particulier, je choisis souvent de faire une pause dans mon cours. Tout le monde prend 1 minute pour observer ce qu’il se passe, tout le monde s’extasie ensemble de l’averse de neige ou de pluie super impressionnante, et puis je reprends l’attention générale et on se replonge dans les apprentissages.


Et pour ce qui est de la technologie, il existe plein d’outils pour minimiser les distractions possibles. En fonction de la politique de ton école, les smartphones peuvent être tout simplement interdits en classe. Dans mon école, nous avons désormais des pochettes plastiques au mur de chaque local, où les élèves peuvent déposer leur smartphone en entrant en classe, et le reprendre à la sortie.

Lorsque tu utilises le numérique, par exemple pour faire visualiser des vidéos à tes élèves, il existe des outils qui permettent de ne proposer qu’une partie de la vidéo à tes élèves (par exemple pour enlever une introduction où il y a de la publicité, ou pour te focaliser sur LA partie pertinente de la vidéo en fonction de l’apprentissage visé). Tu peux également proposer de voir les vidéos en dehors de YouTube, pour minimiser la tentation de cliquer sur d’autres vidéos proposées. Tu peux faire cela très facilement avec l’outil "DigiView" de LaDigitale.



4.Utiliser des aide-mémoires

Pour aider les élèves à retenir de longues procédures ou à conserver beaucoup d’informations, il peut être utile de sortir ces informations de leur mémoire de travail en en faisant des listes sous forme d’aide-mémoire qu’ils peuvent avoir avec eux. Écrire les procédures sous forme de listes de choses à faire, ou d’étapes successives, permet en plus d’être explicite dans son enseignement.


Par exemple, lorsqu’on donne des consignes pour la suite d’une séance de cours, plutôt que de donner une longue liste d’instructions que les élèves ne vont pas savoir retenir, il est plus efficace de les écrire ou de les afficher au tableau, surtout si toutes les étapes ne sont pas indispensables tout de suite, mais que les élèves devront se souvenir des étapes suivantes plus tard durant le cours.


Lorsqu’on apprend aux élèves à résoudre un type de problème précis, il peut être intéressant de proposer aux élèves qui en ont besoin de toujours avoir devant eux un aide-mémoire qui récapitule toutes les étapes par lesquelles passer pour résoudre un problème. À force de le consulter, de l’utiliser et d’appliquer les différentes tâches qui sont listées sur l’aide-mémoire, l’élève en aura de moins en moins besoin, la procédure va petit à petit s’ancrer dans sa mémoire et bientôt l’aide-mémoire pourra être enlevé.



5.Pratiquer la double modalité

Le cerveau est conçu pour fonctionner en captant simultanément une même information sous différentes modalités. La mémoire de travail possède en fait deux systèmes de captation des informations qui sont relativement indépendants l'un de l'autre :

- Le calepin visuo-spatial qui gère les données visuo-spatiales, c’est-à-dire les images, les visuels.

- La boucle phonologique qui gère les données auditivo-verbales, c’est-à-dire ce qu’on dit ou ce qu’on lit → du texte.


Pour aider nos élèves à mieux ancrer les choses dans leur mémoire de travail, ou à faire de meilleures associations de choses, il est donc intéressant d’utiliser un support qui combine du texte et des images.


Le traitement d’une information visuelle et d’une information auditive serait fait de manière indépendante par notre mémoire. Comme chaque système de traitement a une capacité limitée, si on n’utilise que l’auditif ou que le visuel, on arrive plus vite à saturation de ce système de traitement. Le fait d’utiliser le visuel et l’auditif permet de partager la charge cognitive entre la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial, ce qui permet d’augmenter la capacité globale de la mémoire de travail.


De plus, le fait de présenter un visuel pertinent qui accompagne des explications orales permet de limiter les distractions possibles pour l’élève, puisqu’il a un visuel et de l’oral auquel se raccrocher, ce qui permet de limiter les distractions possibles et d’éviter la surcharge d’un des deux systèmes de traitement de l’information, puisque l’information est partagée - c’est donc un double bénéfice !


Quand nous préparons nos cours, il faudrait donc idéalement toujours penser à illustrer un concept par un schéma, une photo, des symboles ou tout autre support visuel, en plus du texte utilisé pour expliquer le concept. En plus du document que nous distribuons peut-être aux élèves, il serait intéressant de toujours accompagner notre cours d’une présentation visuelle, qui ne contient pas la même chose que ce qui est donné aux élèves et qui n’est pas non plus un “prompteur” pour l’enseignant. L’idée est plutôt de compléter l’information que l’enseignant peut dire oralement, ou qui est écrite dans le support donné aux élèves, avec un visuel simple et épuré.


Il faut faire attention également à ne pas utiliser des visuels surchargés, sinon le cerveau aura beaucoup de mal à capter l’information pertinente. Si on repense aux 7 cases de la mémoire de travail, un visuel ne devrait pas contenir plus de 7 informations simultanées (voire moins).


Pour que cet effet de double modalité soit réellement efficace, il faut veiller à ce que les deux modalités soient nécessaires à la compréhension : il faudrait que le visuel seul ou l’explication seule ne soit pas suffisant pour comprendre la matière, mais que les deux modalités soient indispensables.


L’utilisation de la double modalité a un effet favorable sur les apprentissages surtout pour les élèves novices, mais il est moindre voire non présent chez des élèves plus expérimentés.

Résumé



Pour résumer, je te rappelle les 5 pratiques que tu peux mettre en place dans tes classes pour favoriser la réduction cognitive chez tes élèves :

- Établir des rituels, des habitudes.

- Faire des séances d’exercices.

- Réduire les distractions.

- Utiliser des aide-mémoire.

- Pratiquer la double modalité.


Ces 5 pratiques permettent à tes élèves de regrouper des informations pertinentes en un seul paquet d’informations qu’ils pourront mobiliser dans une seule case de leur mémoire de travail, sans l’encombrer avec des informations superflues et inutiles pour l’apprentissage.

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