Si tu enseignes la chimie, tu as sûrement déjà été confronté au fait d’enseigner aux élèves à résoudre des problèmes stoechiométriques.
De mon expérience, c’est une des compétences les plus importantes à acquérir pour réussir en chimie, mais c’est aussi une compétence qui pose beaucoup de difficultés aux élèves. Je voulais donc te partager ma façon de faire et te donner quelques astuces pour adoucir ce passage obligé.
Ayant chaque année un cours de 4e année à donner, cela fait 5 ans que j’essaie de trouver la meilleure façon d’enseigner la stoechiométrie à mes élèves. Pour faire passer la pilule, j’ai décidé de décomposer la résolution de problèmes stoechiométriques en plusieurs étapes, réparties tout au long de l’année. Je pense qu’il est indispensable de revenir encore et encore sur les mêmes compétences pour que celles-ci soient réellement maitrisées, et pas juste apprises par coeur pour le jour de l’évaluation. Je t’encourage donc à faire un apprentissage le plus spiralaire possible, surtout pour une telle compétence qui sera réutilisée dans de nombreux chapitres, au moins jusqu’en rhéto, si pas des années plus tard si tes élèves font des études scientifiques.
Première étape : écrire et comprendre la réaction chimique
Normalement, les élèves arrivent en 4e année (ou au lycée) en ayant déjà écrit des réactions chimiques et en ayant compris leur lecture. Ils devraient savoir les équilibrer et maitriser les termes comme “réactif” ou “produit”.
En pratique, je constate chaque année que l’été (ou le Covid) est passé par là, et que c’est bien souvent très loin dans leur mémoire. Je commence donc par (ré)insister là-dessus. Le concept d’une transformation chimique qui fait “disparaitre” les réactifs et les transforme en autre chose, ce n’est pas si simple à comprendre.
Pour y arriver, j’aime bien faire une petite expérience marquante : la “whoosh bootle”. C’est une démo très simple à faire avec une bouteille en plastique, vide et sèche. On introduit quelque millilitres d’éthanol (ou autre alcool) dedans, on ferme le bouchon et on agite une vraie bonne minute. Cela permet à l’alcool de s’évaporer dans toute la bouteille. Il faut ensuite enlever l’excès d’alcool liquide restant dans la bouteille.
Ensuite, j’invite un élève à venir “allumer” la bouteille. Avec blouse, lunettes et un allume-gaz ou une longue allumette (pas de briquet ou de petite allumette pour garder une distance de sécurité), l’élève s’approche et j’ouvre le bouchon de la bouteille pour qu’il puisse l’allumer. Une belle surprise attend la classe puisqu’un joli bruit va venir accompagner la combustion rapide de l’alcool. N’hésite pas à éteindre la lumière pour mieux voir la flamme produite!
Jusque-là, c’est rigolo, mais ça n’apprends pas grand chose d’un point de vue de la stoechiométrie. Mais c’est en général le moment où un autre élève veut absolument venir tester lui aussi. Pas de problème, on recommence! Dans la même bouteille (après quelques minutes pour qu’elle ait refroidi), je remet de l’alcool et agite la bouteille une minute. Le second élève vient ensuite servir d’allumeur… mais ça ne fonctionne plus!
Et c’est là qu’on peut faire réfléchir les élèves.
Que s’est-il passé dans la bouteille ? On a fait une réaction de combustion, qui nécessite un combustible (l’alcool) et un comburant, qui est ici le dioxygène présent dans l’air. Sauf que tout le dioxygène a été consommé lors de la première réaction, et qu’il n’y en a donc plus pour refaire une deuxième combustion.
On observe également qu’il s’est formé de la buée à l’intérieur de la bouteille, qui se condense lorsqu’elle refroidit. Il s’agit de l’eau formée lors de la réaction de combustion (et probablement aussi de restes d’alcool). Ces observations permettent aux élèves de mieux intégrer qu’un réactif disparait (le dioxygène) et se transforme en autre chose (l’eau et le dioxyde de carbone).
Deuxième étape : la notion de mole
La notion la plus importante à maitriser pour pouvoir résoudre des problèmes stoechiométriques est sûrement la mole. J’ai fait le choix de l’aborder avec les élèves sans autre nouvelle notion et de consacrer quelques cours à la compréhension du concept de mole et de masse molaire.
Dans la continuité de ma simulation de fusée avec la “whoosh bottle”, je pars sur la question suivante : quelle quantité de carburant a-t-on besoin pour faire décoller une fusée ? J’adore tout ce qui touche au spatial, c’est donc un sujet qui revient très souvent dans mes cours (et en général les élèves aiment ça aussi!). On discute donc de la réaction qui a lieu dans une fusée (une combustion) et de la quantité de combustible et de comburant nécessaire à son décollage. Il s’agit évidemment d’une approximation puisqu’il y a plein de concepts, trop compliqués pour des élèves de ce niveau-là, qui entrent en jeu.
On prend donc le temps de calculer le nombre de molécules nécessaires pour propulser une fusée. Et je dit à chaque fois le nombre exact et complet. Je passe donc une leçon à dire à tout bout de champ des nombres comme “six cent mille milliards de milliards”… nombre que tu reconnais probablement si tu es chimiste comme étant le nombre d’Avogadro (arrondi). Je l’écris au tableau, sans utiliser l’écriture scientifique. Et je le fais écrire aux élèves. Et on galère à compter les zéros. Et c'est long, et pénible à écrire et à dire.
Si aucun élève ne le propose (ce qui arrive parfois), je leur propose moi-même de remplacer ce nombre super grand par une abréviation : on va plutôt dire “mole”. La mole devient alors simplement un synonyme de ce nombre très grand.
Pendant quelques cours, on passe alors à travers la notion de masse molaire et les élèves s’entrainent à passer d’un nombre d’atomes ou de molécules à un nombre de moles, et à utiliser la masse molaire pour relier la masse et le nombre de moles.
On passe donc petit à petit à une lecture molaire de la réaction chimique. Je termine cette partie en faisant leurs tous premiers problèmes stoechiométriques, qui sont simplement de la lecture d’équation chimique.
Exemple de problème : Lors de la combustion du méthane (CH4), combien de moles de dioxygène sont nécessaires pour réagir avec 2 moles de méthane ? Combien de moles de dioxyde de carbone sont alors produites ?
Troisième étape : apprentissage du tableau d’avancement
Pour passer à l’étape suivante, j’aime utiliser les réactions de précipitation. Ce sont des réactions faciles à mettre en oeuvre au laboratoire, avec peu de matériel, elles sont très visuelles et les élèves les adorent. En plus, on obtient un produit sous forme solide que l’on peut très facilement isoler par centrifugation. Et si ton laboratoire n’a pas de matériel disponible pour le faire, ce n’est pas très grave : c’est l’occasion de montrer à tes élèves comment calculer la masse de précipité obtenue !
Pour y arriver, j’enseigne à mes élèves l’utilisation du tableau d’avancement. Tous les enseignants ne passent pas par là, mais je sais que cela m’a beaucoup aidée en tant qu’élève, que ce soit en secondaire ou à l’université, et je vois à quel point ça aide mes élèves à se structurer lorsqu’ils résolvent un problème stoechiométrique.
Je démarre donc d’une réaction de précipitation simple, c’est-à-dire où il n’y a pas de coefficients stoechiométriques différents de 1. Par exemple : AgNO3 + NaCl --> AgCl (s) + NaNO3
Nous construisons ensuite un tableau d’avancement où chaque colonne contient les données du composé en tête de colonne, et chaque ligne contient une grandeur. Pour ce type de problème, il faudra donc utiliser un tableau à trois lignes : la masse, la masse molaire et le nombre de moles. À ce moment-là, je ne fais aucune distinction entre les données initiales et les données finales, pour simplifier l’apprentissage du tableau d’avancement.
Après un ou deux exemples avec les élèves, ils réalisent eux-mêmes quelques exercices avant une rapide évaluation. Je ne peux que t’encourager à évaluer rapidement ta classe, même sur un seul exercice, afin de les forcer à s’entrainer et afin de voir où en est leur compréhension.
Exemple de problème : Quelle masse de chlorure d’argent est obtenue lors de la réaction de 5(g) de nitrate d’argent avec du chlorure de sodium ?
Quatrième étape : gérer les coefficients stoechiométriques
La difficulté suivante est d’ajouter des coefficients stoechiométriques dans les réactions de précipitation utilisées. Cela peut se faire assez rapidement, voir lors du même cours que l’étape précédente si les élèves suivent. Cela peut également servir de différenciation pour des élèves qui ont très vite compris l’utilisation du tableau d’avancement, alors que d’autres ont encore besoin de s’exercer. C'est un petit challenge à lancer à ceux qui sont plus rapides à comprendre.
De la même manière que précédemment, les élèves ont besoin d’entrainement régulier et une petite évaluation pourra fournir un feedback efficace aux élèves et à l’enseignant.
Exemple de problème : Quelle masse de phosphate de cuivre (II) est obtenue lors de la réaction de 3(g) de nitrate de cuivre (II) avec du phosphate de sodium ?
Cinquième étape : varier les grandeurs utilisées
Jusqu’ici, nous n’avons utiliser que la masse, la masse molaire et le nombre de moles dans nos tableaux d’avancement. Mais le volume et la concentration sont en réalité des données plus pertinentes à utiliser, puisque ce sont des solutions que nous utilisons principalement en laboratoire et pas des solides. Il faudra donc veiller à voir la notion de concentration molaire avant de passer à cette étape.
J’aime bien profiter des réactions acido-basiques et du concept de titrage pour introduire la concentration dans les problèmes stoechiométriques. Lors d’un titrage, nous sommes toujours dans le cas des réactifs présents en quantités stoechiométriques, il n’y a donc toujours pas de limitant, ce qui est parfait pour cette étape !
Après un laboratoire où les élèves réalisent un titrage, j’en profite pour réaliser un premier calcul de concentration avec eux. On peut ainsi utiliser un tableau d’avancement en utilisant des grandeurs différentes. Les trois lignes contiendront désormais le volume, la concentration molaire et le nombre de moles.
Exemple de problème : 20 (mL) d’une solution de chlorure d’hydrogène sont titrés par 15,2 (mL) d’une solution d’hydroxyde de sodium 0,05 (mol/L). Quelle est la concentration de l’acide ?
Sixième étape : le réactif limitant
C’est seulement après avoir entrainé les élèves pendant de nombreuses semaines sur toutes les étapes précédentes, et m’être assurée que tout était bien acquis, que j’introduis le concept de réactif limitant et en excès. C’est donc à ce moment-là seulement que je distingue, dans le tableau d’avancement, les données initiales et finales. Et lorsque je m’y prend comme ça, à part l’allongement du tableau qui impressionne certains élèves, la difficulté passe toute seule.
Je commence en reprenant des réactions chimiques sans coefficients stoechiométriques différents de 1, et seulement ensuite je rajoute des coefficients différents. J’aime prendre des exemples où je fais réagir la même masse de chacun des réactifs, pour insister sur le fait que des masses égales ne donnent pas des nombres de moles égaux.
Je fais aussi attention à concevoir des exemples où le réactif limitant est celui qui est présent en plus grande quantité, mais qui devient limitant à cause des coefficients stoechiométriques. Cela permet d’appuyer sur le fait que ce n’est pas directement le réactif où il y a le plus petit nombre de moles qui est le limitant ; il faut prendre en compte les coefficients stoechiométriques aussi !
Exemple de problème : Quelle masse de phosphate de cuivre (II) est obtenue lors de la réaction de 3(g) de nitrate de cuivre (II) avec 3(g) de phosphate de sodium ?
Septième étape : combiner le tout !
Ce n’est qu’en tout fin de 4e année, voir en 5e année lorsque le temps m’a manqué, que je propose aux élèves des problèmes stoechiométriques variés, en mélangeant tous les concepts vus, et en ajoutant en plus d’autres grandeurs comme le volume d’un gaz.
Des laboratoires supplémentaires peuvent évidemment être utilisés ; c’est d’autant plus concret pour un élève s’il a l’occasion de voir les réactions et de manipuler lui-même. Malheureusement, les contraintes de temps et de matériel ne nous permettent pas toujours de faire autant de manipulations que désiré.
J’espère qu’avec tout cela, tu es mieux préparé à aborder les problèmes stoechiométriques avec tes élèves. Si tu y accordes du temps, saches que le prof qui aura tes élèves en chimie les années suivantes te remerciera !
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