Mieux vaut prévenir que guérir

Dans l’article d’aujourd’hui, on continue à découvrir comment mettre en place une gestion de classe efficace et comment gérer les comportements perturbateurs. La première étape était de comprendre d’où viennent les comportements (quels qu’ils soient); c’est ce qu’on a fait dans l’article précédent.


On a passé en revue le fonctionnement du cerveau, le fait que chaque comportement essaie de combler un des 5 besoins fondamentaux de tout être humain, et que notre façon de réagir dépend fortement de notre style d’attachement, que nous avons développé dans notre petite enfance. En fonction du style d’attachement, certains élèves vont réagir beaucoup plus vite lorsqu’ils font face à une situation stressante, en donnant le contrôle de leur cerveau à leur amygdale, qui fait des choix uniquement basés sur la réaction, sur les émotions, ce qui peut mener à des comportements que nous considérons comme perturbateurs. Si nous voulons réduire ces comportements perturbateurs, une des façons de faire est donc de diminuer le stress auquel les élèves peuvent être exposés dans nos classes. Si on peut réduire les situations déclenchantes de ces comportements perturbateurs, on peut prévenir la situation avant même qu’elle n’arrive !


C’est ce qu’on va explorer dans cet article, en réfléchissant à la meilleure façon de mettre en place un climat de classe positif, avec le moins de stress possible.


Créer une forte présence en classe

La partie la plus importante du travail que l’on peut faire face à ces comportements a lieu avant même qu’il n’y ait le moindre comportement à manager. Une des choses les plus importantes à mettre en place, c’est donc notre prestance de prof devant nos élèves.


Qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ça ne veut pas dire avoir un regard sévère, qu’on ait peur de nous, ou au contraire être le prof populaire, se montrer extraverti ou encore déborder d’énergie.


On peut développer notre prestance en classe à travers des choses que l’on peut apprendre à contrôler. La technique numéro un à maîtriser, c’est la communication non verbale. Ensuite, il faut aussi devenir conscient de notre énergie, de ce qu’on dégage devant les élèves. Et enfin, il faut travailler sur le fait d’être constant.


Le but est d’arriver à être le chef d’orchestre de notre classe. Et comme un chef d’orchestre, on va guider notre groupe d’élèves. Notre énergie va être contagieuse pour la classe, et ce qu’on modèle va être ce qu’on reçoit en retour.


Notre comportement à chaque seconde aide à mettre l’ambiance que nous désirons dans la classe. Si nous sommes calmes, la classe sera plus calme. Si on s’agite dans tous les sens, la classe s’agitera aussi.


Pour comprendre pourquoi ça marche aussi bien, je suis sûre que tu peux trouver un exemple de personne dans ton entourage, où quand tu te trouves avec cette personne, elle va directement te mettre de bonne humeur, ou au contraire, elle va directement te tirer vers le bas, sans rien faire de spécifique. C’est simplement son comportement général qui va influencer ton humeur, ton comportement. Eh bien nous devons faire de même avec notre classe. C’est notre comportement à chaque fois que l’on est en classe, que l’on interagit avec nos élèves, qui va être le premier influenceur du comportement de notre classe. Si on veut une classe calme, on doit être calme soi-même. Si on veut une classe énergique, on doit être énergique soi-même.


Et souvent, on met de l’huile sur le feu avec notre propre comportement, sans même s’en rendre compte. J’en ai par exemple déjà parlé dans l’article “Trois erreurs que tout le monde fait en gestion de classe”. On s’agite dans tous les sens, et puis on s’étonne d’avoir des élèves qui ne savent pas rester en place.

Si on veut instaurer un climat calme dans notre classe, sans que les élèves se laissent emporter par leurs émotions, il faut donc montrer l’exemple en étant soi-même calme et en régulant nos propres émotions. Même quand les élèves nous mettent à l’épreuve !


On doit donc être nous-mêmes régulés en tant qu’enseignants. Être régulé, ça signifie que notre cerveau et notre corps sont capables de retrouver le calme et un état fonctionnel après avoir été confrontés à une situation stressante. On sait y répondre sans entrer nous-mêmes dans de l’émotionnel. Si tu te souviens des épisodes précédents, ça veut dire qu’on arrive à maintenir notre cortex au contrôle de notre cerveau, et qu’on ne laisse pas l’amygdale prendre le dessus. Ce qu’on est capable de faire en tant qu’adulte si on nous l’a appris. Si on n’arrive pas à gérer ses propres émotions, alors ça va être compliqué d’arriver à apprendre à nos élèves à le faire… Car pour la majorité d’entre eux, les enfants/ados n’ont pas encore la capacité de s’auto-réguler. Ils doivent l’apprendre, par leurs parents, leurs professeurs ou leurs pairs. C’est d’autant plus difficile pour eux, car leur cortex n’est pas encore totalement développé ; ils partent donc avec un handicap par rapport aux adultes. C’est notre rôle de les aider à y arriver s’ils n’ont pas encore appris comment le faire. Mais donc pour pouvoir faire ça, on doit d’abord avoir appris nous-mêmes à nous réguler.

Si certains enfants n’ont pas appris à se réguler durant l’enfance, c’est une compétence qui peut tout à fait être apprise plus tard. En montrant l’exemple, en restant calmes nous-mêmes, en étant à l’écoute, constants et en leur apportant notre soutien, on peut apprendre aux autres à se réguler. Et c’est en se régulant qu’un enfant va pouvoir reconnecter la partie “émotion” et la partie “réflexion” de son cerveau dont on parlait dans l’épisode précédent. S’il ne sait pas réguler ses émotions, alors l’amygdale va prendre le lead, mais s’il sait se réguler, le cortex préfrontal va pouvoir reprendre le pouvoir.


Ce qu’on ne dit pas

Comment faire pour arriver à obtenir une classe calme et à l’écoute ? La clé, c’est la communication non verbale. C’est très compliqué pour certains d’entre nous, parce qu’en tant que profs, on a plutôt l’habitude de parler, parler, parler, devant nos élèves. Faire passer des messages sans parler, ce n’est pas ce qu’on nous a appris, et ce n’est pas notre réflexe premier.


Et pourtant, la communication non verbale est super importante pour installer une bonne gestion de classe. La communication non verbale inclut toutes les choses qu’on ne dit pas : notre présence, notre énergie, ce qu’on regarde, comment on le regarde, notre distance avec les élèves, notre rythme, notre déplacement dans la classe, où on se trouve dans la classe, comment on se tient en classe, le volume de notre voix, le ton de notre voix, nos mouvements, notre posture, notre respiration, nos expressions…


Chaque seconde, on envoie des messages à nos élèves sans même nous en rendre compte. On leur “dit” (sans rien dire) ce qu’on attend d’eux. Et souvent, on n’envoie pas les mêmes messages verbalement et non verbalement, ce qui perturbe les élèves !


Par exemple, si on marche rapidement dans la classe mais qu’on veut du calme, on envoie deux signaux contraires. Notre énergie renvoie quelque chose d’agité, les élèves vont donc avoir tendance à s’agiter plutôt qu’à être calmes. Quand quelqu’un marche rapidement, est-ce que tu as plutôt l’impression qu’il est détendu, ou qu’il est stressé ?


Si on leur demande de faire quelque chose (comme passer des feuilles) tout en demandant leur attention, on envoie deux signaux contraires. Si on distribue un document, les élèves vont fatalement porter leur attention sur le document qu’ils viennent de recevoir. Souviens-toi des réunions où on fait passer un document ; est-ce que tu vas lire le document dès que tu le reçois, ou est-ce que tu vas continuer à écouter ce que la personne dit devant toi, sans jeter un œil au document que tu as reçu ? Même si elle te dit que c’est important de l’écouter, il y a de fortes chances que tout le monde se retrouve le nez plongé dans le document dès qu’ils le reçoivent.


Si jamais tu parles fort en classe, alors que tu veux que la classe soit calme, tu envoies de nouveau deux signaux contraires. Si le prof parle fort, pourquoi est-ce que moi, élève, je devrais faire l’effort de parler doucement ?


Si tu continues de parler, d’essayer d’avancer dans ton cours alors que la classe n’est pas calme et qu’il y a un bruit de fond, tu envoies de nouveau deux messages contradictoires. Si tu fais ça, tu envoies le message que ce que tu dis n’est pas si important, puisque tu t’en fous s’ils continuent à parler et donc s’ils n’écoutent pas. À l’inverse, si tu attends que la classe soit silencieuse avant de parler, tu envoies le message que c’est important que les élèves écoutent ce que tu vas dire, que tu fais attention au fait qu’ils écoutent ce que tu veux leur enseigner et que tu fais attention au fait qu’ils respectent le niveau sonore demandé. Si le prof lui-même ne fait pas attention à une de ses propres règles, pourquoi les élèves devraient y faire attention ?


La toute première chose à faire en classe pour diminuer le bavardage et réduire les comportements distracteurs, c’est tout simplement de faire attention à son propre comportement, avant même qu’il y ait un élève réellement perturbateur en classe. On fait attention à se déplacer lentement en classe, à avoir une énergie basse et calme, à respirer calmement, à avoir un corps détendu, à être conscient de ne pas demander deux choses contradictoires aux élèves. On doit ÊTRE ce qu’on veut voir chez nos élèves. On doit incarner l’ambiance que l’on veut mettre en place dans nos classes.


Une pratique consistante

C’est difficile d’être à la fois un prof gentil, approchable et à l’écoute de ses élèves, et en même temps de maintenir des exigences élevées, des limites claires et d’être pris au sérieux, ce qui est nécessaire pour pouvoir instaurer un climat de classe serein. Pour y arriver, il faut comprendre qu’il y a deux styles de langages non verbaux, qui nous permettent d’établir ces deux figures de prof, à la fois à l’écoute et approchable, mais aussi d’avoir une présence crédible auprès des élèves afin d’être pris au sérieux.


Ces deux types de langages non verbaux sont détaillés dans le livre de Michael Frinder (ENVoY). Il faut savoir les déployer tous les deux, et quand utiliser l’un ou l’autre. Il faut donc bien les distinguer l’un de l’autre ; ce que l’on va voir maintenant.


Le premier type est le type “Crédible” → C’est le prof qui est calme et en contrôle du climat de la classe. On l’utilise le plus souvent quand on donne des informations au groupe classe. On envoie alors le message qu’on est l’enseignant et qu’on doit être pris au sérieux, que c’est le moment d‘être attentif ou de se mettre au travail.


Si on veut avoir l’air crédible, on se tient droit, avec le poids réparti de manière équivalente sur nos deux pieds, on parle de manière calme, moins fort, en déployant moins d’énergie, on utilise peu de mouvements, on se déplace lentement si on doit bouger.


Ce type de communication non verbale peut être utilisé quand on doit donner des instructions à toute une classe, quand on a des discussions formelles que l’on doit mener dans le calme, lors des transitions où on a absolument besoin de l’attention de nos élèves, lorsqu’on entre en classe, ou encore lorsqu’on surveille des évaluations.


Le second type est le type “Approchable” → C’est le prof plutôt relax, qui ne cherche pas forcément à avoir une classe silencieuse. Souvent, on l’utilise quand on cherche des informations, qu’on questionne nos élèves. On envoie alors le message qu’on est l’enseignant mais qu’on peut venir discuter avec nous et échanger de manière moins formelle, les élèves peuvent participer de manière spontanée à la discussion et c’est le bon moment pour rigoler un peu.


Si on veut avoir l’air approchable, on va avoir une attitude corporelle plus relax, notre poids va être sur une jambe plus que l’autre ou on peut même s’asseoir, on parle avec une voix qui est plus sur un ton de la discussion, avec un volume sonore plus élevé, on est globalement plus énergique, on utilise plus de gestes en parlant et on se déplace plus rapidement.


Ce type de communication non verbale peut être utilisé lors de travaux en petits groupes ou lors d’explications à un seul élève, lors de discussions informelles avec les élèves, en dehors du contexte de la classe (en sortie, en voyage scolaire), lorsqu’on raconte des histoires, quand on veut construire la relation avec nos élèves, lors de certaines activités plus ludiques ou pratiques.


Il est important de pouvoir passer de l’un à l’autre en fonction du message qu’on veut envoyer à nos élèves. Il faut absolument montrer ces deux facettes à nos élèves et bien faire la distinction entre les deux.


L’idée à travers ces pratiques, c’est de réduire au maximum les comportements de type “fight, flight, freeze” chez nos élèves. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut un certain temps pour pouvoir établir un nouveau climat dans une classe ; cela demande donc de la persévérance, et d’être capable de mettre en place ce genre de communication non verbale sur le long terme.


Ce n’est pas simple de changer nos pratiques, surtout si on est loin de tout ça pour le moment. En plein milieu de l’année scolaire, on a peut-être certains élèves qui nous mettent sur les nerfs avant même de rentrer en classe. On peut être entré dans un cycle vicieux avec une classe qui nous épuise particulièrement. Mais il n’est jamais trop tard pour essayer de modifier les choses.


Si tu veux tenter le coup, essaie de mettre en place une seule petite nouveauté dès que tu retourneras dans une classe. Il peut s’agir d’essayer une nouvelle habitude, comme d’attendre systématiquement le silence pour continuer à parler à toute la classe. Tu peux décider d’être plus concentrée sur tes deux types de communication non verbale, et de vraiment marquer la différence entre les moments où tu dois être crédible devant ta classe, en faisant l’effort conscient de parler plus doucement, d’être droite sur tes deux pieds et de ne pas bouger, et puis de changer ton comportement pour être plus approchable quand tu dois interagir avec un seul élève. Essaie quelque chose, et observe comment ton changement de comportement va modifier le comportement de l’ensemble de tes élèves.


La semaine prochaine, on verra comment renforcer encore la constance dans tes pratiques en mettant en place des routines prédictibles pour tes élèves. La prédictibilité et la constance sont deux armes pour encore diminuer les risques de comportements “fight, flight or freeze” de la part de tes élèves.

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