Comment rendre son enseignement plus efficace ?

Dans l’article précédent, nous avons exploré la pédagogie de la découverte, chère aux pédagogies actives, et nous avons réalisé que ce n’est pas une pédagogie efficace pour favoriser les apprentissages - que du contraire. Mais alors, que devons-nous faire dans nos classes ?


Des chercheurs se sont penchés sur la question, et je vais aujourd’hui te proposer quelques-unes des solutions qu’ils ont proposées.


Mais revenons tout d’abord sur le rôle que l’enseignant joue dans sa classe.


Un enseignant peut être considéré comme un “activateur” ou comme un “facilitateur”.


L’enseignant “facilitateur”, c’est le prof qui propose des activités de découverte à ses élèves, des tâches complexes et qui fait travailler les élèves en petits groupes autour d’une activité construite pour que les élèves apprennent par eux-mêmes, qu’ils cherchent en groupe et trouvent une solution au problème proposé. Le guidage proposé par l’enseignant facilitateur est limité, il pose peut de questions et fourni peu de feedback aux élèves sur ce qu’ils font. C’est le type de prof que l’on voudrait être lorsqu’on travaille en pédagogie active.


L’enseignant “activateur” est plutôt un enseignant qui explicite clairement le contenu à enseigner, il montre aux élèves comment faire, il sert d’exemple que les élèves doivent suivre, il donne des tâches définies précisément, il pose des questions aux élèves et les guide de manière beaucoup plus poussée, offrant un feedback beaucoup plus régulier aux élèves.


On a donc ici deux enseignants à deux extrémités d’un continuum pédagogie : l’un laisse l’élève très libre et celui-ci doit découvrir le savoir par lui-même ; l’autre guide fortement l’élève et lui montre comment résoudre les problèmes rencontrés. On passe de l’enseignement par la découverte inspirée des principes socio-constructivistes, à ce qu’on appelle plutôt un enseignement explicite basé sur des principes cognitivistes.


Si je reprends la méta-analyse que j’ai déjà cité dans l’épisode précédent, qui reprends plus de 50 000 études sur des millions d’élèves, on peut comparer l’effet de méthodes utilisées par un enseignant facilitateur avec celles utilisées par un enseignant activateur.


On se souvient que c’est l’indice “d” qui indique si une méthode a une influence positive et significative sur les apprentissages. En dessous de 0, la méthode en question a un effet négatif ou nul sur l’apprentissage. De 0 à 0,4, la méthode a des effets positifs, mais trop légers que pour être préconisés aux enseignants. C’est seulement au delà d’une valeur d 0,4 que la méthode considérée a réellement un impact positif significatif sur les apprentissages. Plus la valeur de d est élevée, plus l’impact est important.


Voyons les valeurs de d pour les méthodes d’un enseignant facilitateur :

- l’enseignement inductif : 0,33

- les simulations : 0,32

- l’enseignement fondé sur l’enquête : 0,31

- l’enseignement basé sur les problèmes : 0,15

- l’enseignement par la découverte : 0,11


Toutes ces méthodes ont donc un léger effet positif sur les apprentissages, mais celui-ci n’est pas significatif. Notons que toutes ces valeurs peuvent évoluer puisque cette méta-analyse continue d’être mise à jour régulièrement en y ajoutant de nouvelles études, les valeurs citées ici peuvent donc être légèrement modifiées suite à la prise en compte de nouvelles études.


Voyons maintenant les valeurs de d pour les méthodes utilisées par un enseignant activateur :

- enseigner l’auto-explication : 0,76

- la clarté de l’enseignant : 0,75

- l’enseignement réciproque : 0,74

- les feedbacks : 0,74

- l’instruction directe : 0,59

-l’instruction directe : 0,59: 0,57


Toutes ces méthodes ont donc un effet positif et significatifs sur les apprentissages, puisque toutes les valeurs de d sont supérieurs à 0,4. Cela signifie donc que toutes les méthodes qui se rapportent à un enseignement plus explicite et à un enseignant de type “activateur” ont un effet beaucoup plus important que n’importe quelle méthode dite “active”, ou utilisée par un enseignant facilitateur.


Quand je vois ce résultat, je tombe des nues qu’on continue à nous enseigner, dans notre formation initiale de prof, à utiliser la pédagogie de la découverte et autres méthodes similaires. Pourquoi est-ce qu’on ne nous parle pas de ces résultats ? Pourquoi ne nous explique-t-on pas comment utiliser des méthodes qui ont fait leur preuve de manière scientifique, sur base d’études rigoureuses et répétées ?



Nous allons donc voir comment rendre notre enseignement plus explicite, puisque ce genre de pratique semble porter ses fruits pour que les élèves apprennent mieux. Je ne suis pas du tout experte en enseignement explicite, mais je vais essayer d’exposer les grandes lignes d’un tel enseignement, afin qu’on puisse en retirer certains principes applicables dans nos classes.


On va également voir qu’en revenant à une meilleure définition de ce qu’est une pédagogie “active”, on revient au final à trouver un juste milieu entre les deux enseignants extrêmes dont j’ai parlé précédemment.

Avant toute chose, la première chose à faire, c’est de bien clarifier ce que l’on souhaite lorsqu’on veut qu’un élève soit “actif”. Il ne faut pas jeter à la poubelle toutes les idées issues de la pédagogie active, bien au contraire. Il faut plutôt redéfinir ce que c’est de faire une “activité”. Un élève “actif” dans ses apprentissages, c’est un élève qui a une activité cognitive, et non pas une activité physique, manipulatoire ou encore qui réalise une production. Tout enseignant devrait chercher à ce que ses élèves soient actifs dans leur tête. Et pour cela, la pédagogie de la découverte semble peu intéressante. Il faudrait lui adjoindre plus de caractéristiques issues d’un enseignement explicite.

-donner des exemples résolus : 0,57

Voici donc en quelques lignes les principes généraux d’une pédagogie explicite :

  • La présentation de l’objectif d’apprentissage : c’est en expliquant clairement aux élèves ce qu’on voudrait leur apprendre que l’on peut mieux cibler leur investissement dans le travail qui est attendu de leur part. Cela évite les malentendus scolaires dont on a parlé dans l’épisode précédent, où un élève pourrait s’investir énormément dans un jeu pour le gagner, mais pas pour apprendre les savoirs que le jeu voudrait lui faire découvrir. Il est également intéressant de dire dès ce moment sur quoi les élèves seront évalués par la suite.
  • La théorie : pour bien aborder un nouvel enseignement, il est important de revenir rapidement sur les prérequis nécessaires à cet enseignement. Un temps de rappel théorique est donc réalisé en classe pour remettre en mémoire les notions nécessaires à la suite du cours.
  • Le modelage : au début d’un enseignement, c’est le prof qui fait, qui montre de manière claire et précise comment faire les choses, en détaillant le processus que l’élève devra reproduire ensuite. Le prof montre aux élèves toutes les étapes nécessaires pour résoudre un problème ou pour réaliser une tâche, en verbalisant absolument tout. L’idée, c’est vraiment de mettre un haut-parleur sur sa pensée.
  • La pratique guidée : une fois que l’enseignant à montré comment faire, les élèves vont à leur tour faire, mais tout en étant guidé, aidé par l’enseignant. C’est le moment où on fourni aux élèves d’autres problèmes de même nature pour qu’ils puissent reproduire ce qu’ils ont vu précédemment. L’enseignant est toujours la pour rediriger les élèves et pour vérifier qu’ils sont sur la bonne voie, en leur donnant un feedback régulier.
  • La pratique autonome : cette fois, les élèves savent comment résoudre le problème, mais ils doivent encore s’entrainer en autonomie pour automatiser et ancrer cette résolution sur le long terme. L’enseignant se détache de plus en plus de l’élève jusqu’à ce qu’il devienne autonome. Les problèmes fournis sont de plus en plus complexes.
  • L’objectivation : en fin de séance, l’enseignant extrait les concepts ou les stratégies essentielles de la séance. Cette étape favorise l’organisation de ce qui a été vus et permet une meilleure intégration en mémoire. C’est le moment également d’annoncer ce qui sera vu lors de la prochaine séance.
  • Les révisions régulières : pour que tous le savoirs vus s’ancrent en mémoire à long terme, il est fondamental de réaliser des révisions régulières pour solidifier les apprentissages. C’est également à l’enseignant de fournir le matériel nécessaire pour que les élèves puissent réviser tout au long de l’année, que ce soit en classe ou à domicile. Cette étape de solidification est indispensable, que ce soit par des devoirs, des révisions hebdomadaires ou des évaluations formatives ou sommatives.

Voilà, ça ce sont les 7 étapes d’une pédagogie qui se veut plus explicite. Et c’est seulement après ces différentes phases d’apprentissage qu’une activité de découverte peut être envisagée, et être bénéfique. Une fois que les élèves ont acquis les connaissances nécessaires pour résoudre un problème, on peut alors leur proposer une tâche de découverte, sous forme de tâche complexe par exemple, à résoudre seul ou en groupe, et qui va leur permettre de mobiliser les savoirs précédemment acquis. Ils ne seront alors pas en situation de surcharge cognitive puisqu’ils devront uniquement chercher comment résoudre ce nouveau problème, sans devoir simultanément apprendre de la nouvelle matière.


L’enseignement explicite, c’est un type d’enseignement qui m’est totalement inconnue en tant qu’élève. Je n’ai jamais connu ça. Mais je me sens bien obligée de tester si cela a réellement un effet positif avec mes élèves, au vu des résultats des études scientifiques sur le sujet.


En plus, je me retrouve cette année avec une classe de 4e secondaire très particulière ; les élèves sont adorables, il n’y a aucune gestion de classe à faire, ils sont toujours silencieux, attentifs et ils se mettent au travail dans le calme. Mais d’un autre côté, ils sont tous très faibles. Il y a bien deux ou trois “bons élèves”, mais pas de tête de classe brillante comme on trouve dans beaucoup de classe. Ils sont très peu participatifs et pas du tout curieux. C’est très étrange de leur donner cours. Il n’y a pratiquement pas d’interactions. J’ai presque envie de leur dire de bavarder plus pour qu’il y a ai un peu d’ambiance dans la classe.


Avec eux, ma façon de faire habituelle ne prends pas du tout. Mettre en situation, essayer de les faire rêver en parlant d’espace et de conquête spatiale ne les attire pas du tout. Ils sont perdus dès que j’utilise le moindre concept scientifique. Du coup, j’ai tenté une autre façon de faire juste avant les vacances de Noël : j’ai fais un tout petit chapitre à faire en 4 périodes de cours, mais sans aucune mise en situation, enrobage sympa ou découverte. Je leur ai expliqué comment on allait fonctionner :

- d’abord, je leur donne un cours de théorie pure, et ils ne peuvent pas prendre notes

- dans un deuxième temps, je leur donne un dossier qui contient la théorie écrite, des vidéos de théorie, des QCM sur la matière et des exercices corrigés

- Je leur donne aussi une évaluation formative, avec sa correction

- Pour ceux qui le souhaite, il y a également deux possibilités supplémentaire pour se dépasser


Et puis, ils travaillent sur le dossier en autonomie, seul ou avec leur voisin. De mon côté, je suis en classe et je veille à ce que tout le monde travaille, je réponds aux questions individuelles. Au début du deuxième cours, j’ai pris un moment pour demander s’il y avait des questions ou des exercices que je pouvais faire au tableau avec eux. Ensuite, ils ont de nouveau travaillé en autonomie.


A la fin des 4 périodes de cours, j’ai demandé aux élèves leur avis sur cette façon de faire. Ils ont été unanimes : ils préfèrent continuer comme ça pour la suite de l’année, et leurs arguments sont tout à fait entendables : ils peuvent avancer à leur rythme, ils osent plus me poser des questions car ce n’est pas devant toute la classe, ils ne doivent pas être en double tâche de prise de note et de compréhension de la matière, ils ont dès le départ tous les types d’exercices qu’ils doivent être capable de faire… Le seul bémol est le long temps de concentration en travail en autonomie, qui est compliqué pour certains.


Je pense donc continuer avec les chapitres suivants en ayant une approche beaucoup plus dirigée et explicite, au moins avec cette classe, et voir si les apprentissages et la mise au travail sont meilleurs.


Je ne peux que t’encourager à tester, toi aussi, et à voir comment tes élèves réagissent à ce changement. Est-ce que l’ambiance en classe est meilleure ? plus studieuse ? Est-ce que les élèves qui sont habituellement en difficultés le sont toujours aussi ? Est-ce que les résultats aux évaluations se maintiennent ?


Si tu dois repartir de cet épisode avec quelques idées concrètes à mettre en place dès demain dans ta classe, en voici quelques-unes :

- toujours commencer ta séance en explicitant clairement ses objectifs : qu’est-ce que les élèves vont apprendre aujourd’hui? Comment ?

- prendre le temps de montrer clairement aux élèves comment résoudre un exercice ou un problème, en le faisant pas à pas devant eux, au tableau.

- fournir des exemples d’exercices corrigés, avec la résolution complète étape par étape, pour que les élèves aient un modèle écrit sur lequel se baser

- toujours terminer ta séance en faisant un récapitulatif des points importants qui ont été vus et en contextualisant ces nouveaux savoirs par rapport aux savoirs précédents


Si tu mets en place tout ça, c’est déjà vachement bien.

Il y a encore plein d’autres possibilités pour améliorer l’apprentissage des élèves.

Plus je lis, plus je découvre des choses à faire. Mais on reste humains, on a des vis à côté de notre boulot, et on ne sait pas tout mettre en place parfaitement du jour au lendemain. On commence par faire un petit pas dans la bonne direction, et plus tard, on ajoutera une autre brique.


L’amélioration d’aujourd’hui, c’est de cesser de toujours vouloir tout faire découvrir aux élèves, et de leur expliquer les choses beaucoup plus clairement. En arrêtant de culpabiliser parce qu’on nous a dit qu’on devait faire de la pédagogie active. Faire réfléchir nos élèves, c’est faire de la pédagogie active. S’ils ne comprennent pas ce qu’on leur veut, ils ne réfléchissent pas, quelle que soit l’activité proposée. S’ils n’ont pas acquis les bases, ils ne pourront pas réfléchir à des activités plus complexes. Commençons donc au commencement, en leur expliquant clairement comment acquérir des savoirs de base, sur lesquels on pourra ensuite construire la suite avec eux. Et après, on pourra leur faire faire des activités de découverte, où ils pourront réellement activer leurs neurones. Mais seulement après.


Dans le prochain article, on verra encore plus de facteurs qui peuvent influencer positivement l'apprentissage des élèves.




Lectures pour approfondir le sujet :

L’innovation pédagogique, de André Tricot, aux éditions Retz (2017)


https://inspe-sciedu.gricad-pages.univ-grenoble-alpes.fr/gene/ens-explicite.html


https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/conseil_scientifique_education_nationale/CSEN_Boite_a_idees_2023_web.pdf


Hattie, J. (2009). Visible learning. A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement. New York: Routledge.


https://visible-learning.org/

https://www.visiblelearning.com/

https://www.visiblelearningmetax.com/Influences

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